souvenirs de ma relation avec André Hajdu 02-08-16 partie 1
Le deux août deux mil seize.
J’ai rencontré André en mil neuf cent cinquante sept. Il avait vingt cinq ans. J’avais alors seize ans.
J’ai rencontré André en mil neuf cent cinquante sept. Il avait vingt cinq ans. J’avais alors seize ans.
Il est mort hier, le lundi premier août deux mil seize, à
l’hôpital « Chaarei Tsedek », où il était entré en urgence le dimanche
matin, le trente et un juillet, vers sept heures du matin.
Depuis notre rencontre, nous avons toujours gardé un lien.
Une relation qui dure depuis soixante ans, restée vivante
malgré le temps. Je peux dire jusqu’à ces derniers moments.
J’ai décidé d’écrire ces souvenirs, de faire appel à la
mémoire pour décrire tout ce que j’ai reçu de lui afin de l’accompagner dans
son voyage.
Je raconte à Jonathan S., sous forme de récits, qui m’écoute
et transcrit, et nous retravaillons ensemble le texte.
La séparation avec un ami comme André est une grande
douleur. C’est toute une partie de moi qui se sépare. Je ne veux pas employer
les mots : « disparition », « perte »,
« fin », mais j’aimerais penser à une continuation, une
transformation. Penser à comprendre en écrivant tous les moments que nous avons
passés ensemble, et toutes les pensées q’ils me communiquaient.
A l’âge où André m’a connu, j’avais tout juste seize ans.
J’étais en révolte complète envers mes parents et la société qui m’entourait à
Oran, la ville où je suis né.
J’arrivais à Paris après avoir passé un an dans un internat
à Strasbourg.
C’est mon amour pour la musique qui a permis le miracle de
cette rencontre. C’est la musique qui maintenait et qui a maintenu notre
relation jusqu’à son départ. La littérature est venue ensuite, et la religion
est arrivée quelques années après.
J’étais seul à Paris. Je vivais dans une chambre en location
à la Villette, métro Corentin Cariou, chez une vieille femme juive, rescapée de
la Shoah.
Mon frère était arrivé à Paris, un peu avant moi, pour faire
ses études. Il habitait au neuf, rue Guy Patin, dans une maison d’étudiants,
réservée aux juifs de toutes les origines géographiques et culturelles :
séfarades, ashkénazes. André a été hébergé dans cette maison d’étudiants.
J’allais rendre visite à mon frère, de temps en temps, pour
briser ma solitude.
Me trouvant dans cette maison, qui avait quatre étages, j’ai
entendu de la musique jouée au piano.
Je voulais être guitariste, j’étudiais dans ce sens. Depuis
l’enfance, mon plus grand désir était de devenir musicien.
J’ai cherché à repérer, guidé par mon oreille, d’où
provenait la musique de piano que j’entendais. Cette recherche m’a conduit dans
les sous – sols du bâtiment. Après la salle à manger commune de cette maison,
se trouvait une petite chambre. Je ne me souviens plus exactement si la porte
était vitrée, s’il y avait un cadre rectangulaire avec une vitre, ou si c’était
une porte pleine… Il me semble me souvenir qu’André jouait du Chopin, peut – être
les Mazurcas.
Je me suis assis devant la porte, et, j’ai écouté, j’ai
écouté… J’étais déjà dans un autre monde : le monde musical où André se
trouvait. Soudain, le piano s’arrêta. André ouvrit la porte et me vit.
Il me dit : « rentre ». C’est ainsi que nous
avons commencé notre amitié.
Peu à peu, après cette rencontre, André est devenu le seul
ami présent pour moi. Je n’avais plus la patience et le même intérêt d’aller à
la rencontre des personnes ou amis que j’avais connus. Je n’avais pas beaucoup
d’amis à Paris, sauf un ami d’enfance, Daniel B., que j’avais connu en Algérie.
Nous habitions la même maison, dix, rue Pélissier, à Oran. Daniel B. était
arrivé à Paris après l’exode. C’était un exode, la fin de la guerre d’Algérie,
en mil neuf cent soixante deux.
De plus en plus fréquemment, j’allais visiter André. J’avais
appris la date de son anniversaire, j’ai couru pour lui acheter des partitions
de Chopin. Il devenait pour moi une lumière vers tout ce que j’aspirais d’être.
Peut – on dire, un ami, un grand frère, un père spirituel,
un maître, un exemple.
Il me parlait beaucoup. Il avait très vite appris le
français. Etant doué pour les langues, il comprenait et parlait presque huit
langues. Le hongrois, sa langue maternelle, la langue tzigane de Hongrie, qu’il
avait apprise pour ses recherches ethnomusicologiques, l’anglais, appris à
l’école, le français, appris après qu’il se soit exilé de son pays natal.
A suivre…
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