Interview d'André par Itaï au studio Haoman 18 - 17/06/13 - 1
Ma langue maternelle est le
hongrois.
Je possède des connaissances
profondes de la langue hongroise. Pas de connaissances philosophiques ou
autres, mais de la langue elle-même.
La connaissance des langues amène
vers la connaissance d’autres domaines.
Le hongrois est très différent des
langues occidentales, que je parle, du français également. De plus, le hongrois
ne ressemble pas non plus à l’hébreu.
Il me manque deux choses : la
connaissance de la littérature hongroise, bien que, par la suite, je me suis
mis à lire des auteurs hongrois, ainsi que la connaissance de la phonétique. Je
ne savais pas, par exemple, si le son « bi » est bilabial, ni ce
qu’est un son guttural.
Je me suis intéressé principalement
à la phonétique, mais pas à la sémantique, davantage au son, moins à la
signification. Cela est lié à la musique, qui est mon métier. J’entends
davantage la langue avec mon oreille musicale.
Cependant, il est impossible de ne
s’intéresser au son sans s’intéresser à la signification. L’inverse n’est pas
possible non plus.
Les langues sont toutes liées les
unes aux autres. Par exemple, les onomatopées peuvent être trouvées dans les
mots. Le verbe « piailler » fait imaginer le piaulement d’un oiseau.
Les langues ont donc toutes des points communs.
Ce qui est intéressant avec le
hongrois, c’est que soixante-dix pour cent des mots sont en lien avec l’affect,
pas seulement avec la signification. On dit ce que l’on ressent. Cela réduit
l’écart entre la sémantique et la phonétique.
Les différentes langues sont faites
de façon à ce que quasiment aucun (chacun, personne) ne comprenne la langue de
l’autre.
Chaque langue a son harmonie. Il y a
les consonnes aigues, « a », « e », « i »,
« u », les consonnes graves, « o », « ou »,
« au ». On peut passer d’une voyelle à l’autre, mais elles sont
toutes séparées les unes des autres.
A l’âge de vingt-quatre ans, j’ai
quitté la Hongrie. Je me suis fait un « lavage de
cerveau occidental ». Quand on parle français, on articule son visage
d’une autre manière qu’en parlant hongrois. Je m’y suis fait. Je me suis
éloigné du hongrois et rapproché du français. Je ne parlais hongrois qu’avec ma
mère et Hedi Tarjàn.
Depuis le décès d’Hedi, il y a
quatre ans, je ne parle quasiment plus hongrois. Cela ne me manque pas
beaucoup.
Il y a un an, j’ai donné un concert.
Un musicien hongrois était venu m’accompagner. Il a logé chez moi pendant une
semaine. Un jour, il devait se rendre chez Roger. Il n’était pas véhiculé. Il
était dehors, attendant le bus numéro cinq. Il a attendu une demi-heure sous le
soleil. Il allait exploser d’impatience. D’un coup, il a pensé, afin
d’optimiser son temps, à chanter un chant hongrois avec le son « e ».
Le « e » hongrois est très différent, il se rapproche plutôt du
« che ». Il s’est donc mis à chanter ce chant, qui comportait trente
« e ». Cela sonnait agressif.
Le son « é » est céleste,
lumineux. Le son « è » est plus lié à la force. Le « e »
est assez différent.
Je me suis rendu compte que les plus
belles chansons en français et en anglais, je n’arrive pas à les apprécier
comme j’apprécie le hongrois. L’écriture hongroise m’intéresse moins que
l’écriture française. Mais, pour ce qui est des chansons, j’apprécie moins les
chansons en français.
Je voulais écrire des textes, sous
la forme de chansons. Mais il ne s’agissait pas de chansons écrites parce que
je ressens ou pense quelque chose, mais pour jouer avec les mots. Les phrases
me sortaient toutes seules.
On ne peut pas passer d’une
continuité de sons en « b » à des sons en « g ».
Celui qui parle une langue ne peut
pas l’entendre comme quelqu’un qui ne la parle pas.
Pendant sept ans, je parlais très
peu le hongrois, et soudainement, je décidai d’écrire en hongrois. Pourquoi des
chansons ? Ce n’était pas pour me faire une psychothérapie. Je ressentais
que mon cerveau m’ordonnait d’aller dans cette direction.
L’image que j’ai a de moi-même n’est
pas celle d’un homme de quatre-vingt-un an, ni d’un professeur, ni d’un
français, mais d’un hongrois. Pas le hongrois que je suis à présent, mais
l’enfant hongrois que j’étais. Il s’agit de faire des recherches archéologiques
dans mon cerveau. L’archéologie a donné des résultats très forts.
Pourquoi faut-il toujours mesurer le
rythme ? Cela est lié aux mots. Cela permet de faire des jeux de mots.
J’ai lu que l’écriture d’une chanson
provient de la pensée musicale.
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