souvenirs de ma relation avec André Hajdu 03-08-16 partie 2
Ce qui s’est passé lundi, après le coup de téléphone que
j’ai donné à Ruth pour prendre des nouvelles d’André.
J’ai pris l’autobus lundi vers dix heures. J’avais vu André dimanche
soir. Il semblait aller mieux. Le dimanche matin, il était entré aux urgences, le
soir, il était déjà dans une chambre avec deux autres personnes. C’était une
chambre de trois lits. Il était dans le lit du milieu. Des rideaux le
séparaient de ses voisins.
J’avais pensé rester une partie de la nuit à l’hôpital pour
permettre à Ruth d’aller se reposer.
J’ai dit à Ruth « il faut que tu te reposes, rentre à
la maison, je ferai la garde une partie de la nuit. Nous pouvons partager la
garde en deux parties, tu viendras après avoir pris du repos. Cela ne me dérange
pas de rester toute la nuit, de toute façon je ne dors pas ». Ruth m’a répondu
que les enfants avaient organisé la garde en demandant à une dame de venir.
Vers neuf heures, je suis rentré chez moi accompagné en
voiture par son fils Shouky, le dernier enfant de la lignée. Après avoir vu
André, j’ai senti qu’il revenait à plus de vie grâce aux perfusions. Je me suis
dit, un peu plus confiant et heureux, « maintenant, il y a de l’espoir, le
traitement qu’il reçoit lui donnera de la force pour continuer à vivre ».
J’étais content d’avoir vu le visage d’André s’éclairant, les effets de la
transfusion faisant qu’il retrouvait des forces. Je sentais que c’était une
question d’heures, pour que l’eau entre à nouveau dans son organisme, qu’il
récupère…
La phrase et mon sentiment, et ce qu’il m’avait dit, m’avaient
donné la certitude qu’il n’avait pas renoncé à son envie de vivre. Il luttait.
En parlant avec Shouky, il m’avait dit « mon père
voulait mourir », je lui ai dit « non, il ne faut pas dire ça. Je vais
te raconter ce qui s’est passé samedi matin, jour du Chabbath ».
Cette conversation a eu lieu dans la voiture, et en sortant,
je lui ai dit « yhyé beseder (ça va aller) ».
Quand on sent que quelqu’un s’en va, pour ce grand voyage,
j’ai eu des pensées d’espoir et de désespoir.
Montaient dans ma tête des phrases comme « il va
mourir », je ne savais plus si je pensais à lui au présent ou au passé… Je
me sentais coupable de projeter des pensées négatives, coupable de ne pas être
ici, dans le « ici et maintenant ». Je n’aime pas prévoir
négativement. Prévoir l’issue. Je voulais rester dans l’espoir. L’espoir de la
vie.
Je suis allé le plus vite que j’ai pu lundi matin à
l’hôpital. Il était dix heures. J’étais apaisé et confiant.
J’entre dans la chambre. Ruth était là. André sur son lit
d’hôpital était déjà couvert… Le visage couvert. J’ai eu un choc. J’ai commencé
à pleurer. Ruth me dit « il est mort ».
Elle m’explique qu’elle était venue à sept heures du matin, et
qu’elle a senti qu’André était un peu en colère, comme s’il voulait lui dire
« tu m’as abandonné ». Elle est restée avec lui. Puis, Shmulik est
arrivé, il a proposé à Ruth d’aller prendre un café. Pendant ce court temps –
là, André est resté seul pendant quelques instants. Les machines de contrôle ont
commencé à sonner. Alors, les réanimateurs sont arrivés.
C’est la version du récit que Ruth m’a faite. J’espère ne
pas avoir trop transformé son récit. Et si je l’ai fait, qu’elle me pardonne,
parce que ma mémoire est encore sous le choc.
Un événement me rappelle la trace d’un autre événement. Les
mémoires anciennes reviennent avec les chocs émotifs. J’étais à côté de mon
père, à l’hôpital du Kremlin Bicêtre, il était dans une chambre seul, ma mère
était assise à côté de sa main gauche. Je me tenais à sa main droite.
Ma mère a senti que mon père s’en allait, elle m’a dit
« va téléphoner à ton frère ». Je suis parti téléphoner. J’ai senti
le temps long, très long, dans l’attente de la réponse. Après lui avoir annoncé
l’état de mon père, j’ai couru vers la chambre, où mon père agonisait.
0 Comments:
Post a Comment
<< Home