Sunday, September 18, 2016

13-09-16 mail Arturo

Aujourd’hui on est le mardi treize septembre. Le temps passe vite. Ce n’est pas comme ce que disait mon ami André « le temps ne passe pas ». Pour moi, j’ai l’impression qu’il passe vite.

Cher Arturo Fabian, cher ami,

Jonathan est revenu en meilleure santé. Je voudrais vous écrire aujourd’hui une longue lettre, non seulement pour vous remercier, mais pour vous expliquer aussi les liens particuliers que j’ai entretenus avec Atahualpa Yupanqui. J’écoute depuis quelques mois avec beaucoup d’attention et de concentration tout ce qui parait sur You Tube. Grace à cela, je pus vous découvrir dans une émission qui s’appelle « dialogos », parler de votre travail que je respecte profondément, dont j’attends les résultats, le fruit.

Hier, j’ai passé beaucoup de temps à la Poste pour vous envoyer le restant de la somme qui vous est due. J’attends avec impatience aussi les livres et les disques qui vont m’aider.

Je ne sais comment vous exprimer, cher Arturo, la reconnaissance que je vous dois, tout ce que j’apprends de vous en vous regardant jouer, et le respect que j’ai pour vous, qui, je pense, a passe une grande partie de son temps et de sa vie a s’occuper de l’œuvre de Atahualpa Yupanqui.

Comment dire ce que je dois a Atahualpa Yupanqui ? Comment ces derniers temps, j’ai redécouvert un homme de cœur, un sage, un grand musicien ?
Plus je le regarde, plus je l’entends, mon espagnol s’améliorant grâce à vous, grâce à lui surtout, qui parle beaucoup, c’est un grand conteur.

Malheureusement, je suis un peu paresseux avec les langues, je laisse passer les mots que je ne comprends pas, excusez moi, je sais que c’est une erreur, que j’essaye d’arranger, mais la recherche sur ordinateur me fatigue beaucoup, je laisse passer. Mais avec l’espoir que j’aurai un moment de réaction pour préciser le mot, comprendre sa pensée, si l’on peut comprendre une pensée aussi profonde, qui donne énormément d’espoir.

Je saurai trouver les mots. Non pas seulement pour vous remercier, mais pour vous témoigner de tout ce que je vous dois.

Quelle est cette dette ?
La dette de quelqu’un qui veut apprendre, qui veut se perfectionner, qui veut réunir la voie et la voix de l’éthique, et la musique. C'est-à-dire qui a cherche toute sa vie a savoir ce que sont les mots « beau » et « bon ». Comment peut-on associer quelque chose.

Il y a dans le langage commun, très souvent l’on entend les gens dire « c’est beau » ou « c’est bon ».
Il y a une confusion.
Mais peut être que ce langage commun nous donne a réfléchir que ce qui est beau est bon aussi, qu’il n’y a pas de séparation entre le « bon » et le « beau ».
C’est le chemin que j’ouvre chaque jour, chaque nuit, que je nettoie, pour avoir plus de clarté, a pouvoir jouer, parler, avec plus de clarté et de précision. Ne pas dire sans faire. Reunir la parole a l’action. Que la parole soit aussi une promesse.

Je voudrais vous raconter mon expérience avec Atahualpa Yupanqui.

A partir de douze ans, après avoir étudié quelques années le violon, mon professeur étant mort, j’ai choisi seul de vendre mes deux petits violons, et d’acheter ma guitare. J’ai trouve seul un professeur.

Jusqu'à l’année mil neuf cent cinquante sept, ou j’ai rencontre mon ami André Hajdu, compositeur, fuyant la Hongrie après l’invasion des tanks russes a Budapest, qui s’est retrouve a Paris, et que j’ai eu la grande chance de rencontrer.

A partir de lui, ma vie a change. Il m’a donne confiance. Je jouais déjà de la guitare. Je m’étais inscrit dans une première école. J’étais nouveau à Paris, je ne savais pas ou chercher, et après quelques mois, j’ai trouve l’école de la Schola Cantorum, ou j’ai rencontre mes professeurs Alexandre Lagoya et Ida Presti.
J’ai commencé à continuer à vouloir apprendre la guitare.

Dans mes recherches ethnomusicologiques, grâce à l’aide d’André, qui m’a fait entrer à l’Ecole des Hautes Etudes des Sciences Sociales et Pratiques, j’ai pu découvrir les musiques que l’on appelle « les musiques populaires ». Ce qui m’a rapproche, petit a petit, de la pensée d’Atahualpa Yupanqui. Atahualpa Yupanqui était déjà à Paris, je n’ai pas une très bonne mémoire des dates, mais je pense que cela devait être dans les années mil neuf cent soixante. J’ai eu la chance (ma tête toujours tournée vers la question « qu’est ce que la musique, qu’est ce que le mouvement, qu’est ce que le temps »), de contempler un homme totalement libre de la voix et de la guitare, s’exprimant en espagnol dans un pays francophone, et se faisant comprendre malgré que quatre vingt pour cent du public ne comprenait pas l’espagnol.

Etant pauvre a cette époque, j’avais toujours l’intelligence, quand je voulais vraiment entendre des concerts, de trouver des endroits ou les portes étaient encore ouvertes, comme derrière les théâtres, ou une porte que l’on avait oublie de fermer, comme l’entrée des artistes…
Ainsi, j’ai pu, si je me souviens bien, c’était dans un théâtre qui s’appelle la « Pagode », écouter toute une série de concerts qu’Atahualpa Yupanquia a donnés, et d’aller le voir, lui serrer la main, presque en pleurant, la gorge asséchée, ne trouvant pas mes mots, avec un grand respect. Mais j’ai eu la chance de l’entendre plusieurs fois.

A l’époque, étant dans mes études de guitare avec Alexandre Lagoya et Ida Presti, j’étais un peu surpris, croyant en une espèce de tradition du mouvement, j’étais fixe dans ce que l’on appelle « l’attitude classique » vis-à-vis de son instrument, dans une attente et une croyance de ce que m’enseignaient mes maitres Alexandre Lagoya et Ida Presti.
Donc je n’ai pas pu apprécier, il y a cinquante ans, la grandeur et la façon magistrale avec laquelle Atahualpa Yupanqui jouait. Mais mon cœur s’est ouvert à son message et a sa musique.

Ce fil, que je n’avais pas oublie, et qui n’était pas rompu, se continue maintenant avec vous, cher Arturo Fabian. C’est la aussi ma dette envers vous. Que je renoue un fil, non seulemet avec la tradition, avec l’Argentine, qui m’est explique dans toutes les chansons de Atahualpa Yupanqui.
Quel est ce merveilleux mot, pour appeler la mort, « el silencio » ?
Comment ne pas aller avec lui sur son cheval, entendre le galop du cheval, dans ses mouvements de guitare qui appartiennent à la tradition argentine, me faire rêver de ces espaces, grâce a « You Tube » aussi. « You Tube » peut être un moyen fantastique.

Je vous prie de m’excuser si cette lettre envers vous, pour vous, est longue. Prenez le temps de la lire, s’il vous plait, cher ami.

Ces derniers temps, j’ai compris comment, inconsciemment, j’étais lié aussi quelque part avec la vie d’Atahualpa Yupanqui, avec sa recherche, avec sa vérité, sa poursuite de la vérité. Je suis tombe sur une émission ou il parlait de ses rapports avec la musique, et le voyage de trois mois qu’il a effectue à Budapest pour rencontrer Kodaly, et apprendre un peu ou écouter la musique des Tziganes de Hongrie.

Mon ami André Hajdu était un grand spécialiste de cette musique, ethnologue, élève de Kodaly.

J’ai aussi reçu une bourse, après plusieurs voyages en Hongrie, pour visiter les amis de mon ami André Hajdu, une bourse d’études à l’Académie Frantz Liszt de Budapest, ou j’ai rencontré Sendrey Karper, qui est mort, décédé depuis, parti vers le silence, vers un silence, le silence des guitaristes, et avec d’autres professeurs pour différentes matières de la musique.

J’ai trouve que cette coïncidence n’était pas fortuite, que j’étais encore plus proche d’Atahualpa Yupanqui, après avoir fait cette découverte. Lui aussi, dans toutes ses recherches pour apprécier, comprendre, approfondir la musique populaire, ce qui est mon cas aussi, étant aussi ethnomusicologue, mais toujours a partir de la guitare. Quand j’ai commence à réfléchir sur les mouvements, les gestes pour jouer de la guitare. Je me suis intéressé au début de comprendre les manières de jouer la musique Flamenca. Ma première idée de thèse fut de décrire la manière de jouer la guitare Flamenco.

La découverte de la musique iranienne et de mon professeur Djamchid Chemirani m’a fait changer le sujet de ma thèse pour étudier le Setar, un tout petit instrument, très intime. J’ai appris à jouer de cet instrument. Jusqu'à présent, j’ai une grande amitié, un grand respect pour l’un de mes professeurs de musique iranienne, avec lequel j’ai appris le zarb, qui est la percussion iranienne.

Toutes ces parenthèses me font perdre la route et les explications que j’aimerais vous donner sur mon chemin et les chemins qui se rencontrent momentanément, physiquement, s’éloignent, restent, stagnent comme un lac dans lequel, a l’intérieur, beaucoup de choses bougent, et reviennent.

Je viens de fêter mon anniversaire de soixante quinze ans, je garde l’espoir, grâce a votre travail. J’espère pouvoir jouer, non seulement les pièces que j’ai jouées il y a quarante ou cinquante ans, comme la « Paloma Enamorada », mais aussi d’autres morceaux, pour continuer à sentir et ressentir l’âme d’Atahualpa Yupanqui.

En vous écoutant, cher ami, cher maître, j’apprends énormément. Vous avez su conserver l’esprit de cette musique, vue, jouée et enseignée par Atahualpa Yupanqui, en y ajoutant votre personnalité qui, comme moi, vient d’un fond classique, d’études classiques de la guitare.
Ces derniers jours, je vous ai beaucoup écouté. Je vous ai beaucoup regardé. Je vous remercie.               

Mon ami André Hajdu est décédé le premier aout deux mil seize. Depuis deux mois, je suis triste. Malgré les difficultés que me donne ma main gauche à cause d’un « Trigger », je continue à vouloir jouer, à étudier ses pièces, un livre qu’il a écrit dans les années dix-neuf cent soixante-quinze, un livre pédagogique qui s’appelle « Microcosmos pour Guitare ». Je voulais lui faire ce cadeau avant son départ, faire un disque de ce livre – là, de ces pièces – là, mais j’espère que mes problèmes physiques s’arrangeront pour pouvoir enregistrer ce disque bientôt.

Merci, cher ami, Arturo Fabian.


PS : Je vous envoie les contacts, si vous venez à Paris le douze mai pour un concert, je ne sais pas si je pourrais voyager. Mais j’aimerais vous faire rencontrer Arnaud Dumont. J’aimerais, si vous voulez, que vous preniez contact avec lui pour essayer qu’il vous aide, qu’il fasse organiser par son impresario plusieurs récitals de votre musique à Paris ou en France.
Arnaud Dumont est un ami de longue date, vous pouvez l’entendre jouer sur « You Tube ».   

D’autre part, dès que je serai moins fatigué, je prendrai contact avec mes amis guitaristes ici en Israël. J’aimerais beaucoup, si vous êtes d’accord (politiquement), qu’on puisse vous inviter à venir jouer, dans ce pays. N’oubliez pas qu’Atahualpa Yupanqui a beaucoup joué en Israël, qu’il aimait beaucoup le pays et les déserts. Si vous n’avez pas de problème, de difficulté, avec ce qu’on appelle la « politique israélienne », si vous êtes au – dessus de ce problème – là, s’il vous plaît, nous pourrions aussi nous rencontrer, en Israël.


Merci encore, Arturo Fabian, au plaisir de vous écouter et de vous voir « in vivo », à très bientôt.  

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