Wednesday, November 23, 2016

souvenirs de ma relation avec André Hajdu 15-08-16 partie 6


Mon ami Sidi Lamine Diarra, que j’avais connu à Paris, dans la filiation André, Dadou, Loulou, rencontré à Montparnasse dans mes soirées au « Select » ou à la « Coupole », m’a toujours reproché de ne pas prendre la place de « maître ». Être professeur est une place difficile, une place du pouvoir et du savoir.   

J’ai refusé ces positions car je cherchais une transmission directe, sans passer par le rapport et la croyance que l’on sait mieux ce que l’autre ne sait pas, par exemple jouer de la guitare. Toute ma vie, dans les hiérarchies qui nous sont proposées, apprenti compagnon maître, j’ai préféré la place d’apprenti et de le rester car ma passion d’apprendre est sans limites. Comment transmettre ce que l’on croit savoir ? Être humble, même devant ce que l’on a beaucoup appris. Savoir que l’on ne sait pas, et pourtant, construire des rapports humains simples pour offrir à l’autre ce que l’on a découvert pendant notre propre apprentissage.

André avait reçu le Prix d’Israël. Ses amis l’avaient proposé pour ce prix. Il avait reçu aussi d’autres prix pour son œuvre. Cela n’avait rien changé à sa manière d’être car les appellations « professeur », « maître », etc… ne le touchaient pas car il avait ce don naturel que ses oreilles se fermaient, demeuraient sourdes à toute appellation mondaine et admiration immodérée.  

Comment transmettre un savoir d’une façon vivante, fraîche, et avec amabilité.

André était imprévisible et il ne se laissait enfermer dans aucune catégorie.

Pendant les sept jours qui suivent la mise en terre, la famille est assise et reçoit les personnes venues apporter leurs condoléances. Daniel Epstein, parlant après la prière de la fin du jour, se basant sur une phrase de la Torah, a développé et a transformé la vision et la pensée des gens qui s’étaient forgé une opinion sur André. Daniel Epstein, en commentant cette phrase, expliquait que les comportements d’André appartenaient à deux mondes. André avait un rapport difficile avec les objets, ne savait pas boutonner sa chemise, mangeait comme un bébé, ce que nous prenions par nos jugements hâtifs pour de la maladresse ou de l’incapacité. Sa tête était dans les nuages, dans un autre monde, et il devait quand même accomplir les tâches de notre monde. André n’était pas maladroit, dès qu’il s’asseyait devant son piano, ses mains et sa musique nous prouvaient qu’il était complètement agile, virtuose. Il devenait autre devant l’instrument qui permet de transformer une musique intérieure en expression extérieure.   

J’étais étonné devant ce changement de comportement, André se disait hyperactif, son corps vivait dans ce monde des gestes et des objets par lesquels nous devons passer pour effectuer, dans ce monde des sujets et des objets, il était maladroit, mais extrêmement habile dans le monde de la musique qui ouvre vers un autre monde qui peut se rapprocher du monde de la prière. Par la musique, André est arrivé à la prière. Il imaginait le monde à travers le monde de la musique, et voulait réunir ces deux mondes.

Est – ce que cela signifie qu’il a effacé toutes ces pensées psychologiques. Il connaissait bien cette pensée psychologique. Depuis le début de notre rencontre, il m’en avait parlé. « André est comme cela », « André est hyperactif », « André est toujours occupé »… Daniel Epstein a expliqué que les gens qui travaillent tout le temps et ne prennent jamais de repos. Je pourrais dire qu’André était occupé et travaillait tout le temps. Daniel a raconté, d’après les explications de le « Guemara » (Talmud), que dans cet autre monde, les gens aussi sont occupés tout le temps. La nuit, André ne dormait pas, et me racontait dans nos rendez – vous dans les cafés ses cauchemars, ses nuits affreuses, où il se levait pour composer. La musique arrivait dans sa tête, ne pouvant la jouer pour ne pas déranger les voisins.

Je vis cela aussi. La nuit, quelque chose me travaille, je me lève, je commence à jouer, à écrire, et à faire…

Pour ma part, son hyperactivité, son impatience, provenaient de la peur d’oublier le travail qui s’effectuait dans sa tête, sans qu’il voulût. Il travaillait à rendre la vie musicale.


Mes découvertes nouvelles, le privilège très rare que les musiciens acquièrent, est le sentiment pratique du temps. 


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