Wednesday, November 09, 2016

souvenirs de ma relation avec André Hajdu 08-08-16 partie 3


André a connu ma mère et mon père. Quand il revint à Paris après son séjour d’un an comme professeur de musique à Tunis, il a cherché un appartement. La femme de mon oncle Georges, le frère aîné qui avait éduqué mon père à la mort de leurs parents, avait un appartement à louer à Montmartre. Je les ai mis en contact. Il n’a pas choisi d’habiter cet appartement. J’étais heureux, dans le cadre de cette recherche d’appartement, d’avoir pu dire « j’ai une tante qui a cela ».

Je voulais l’aider. J’avais ce rapport de vouloir lui faciliter les démarches, les recherches.

Il avait noué cette relation avec cette jeune femme, qu’il voulait poursuivre, mais qui n’a pas pu se poursuivre. C’est l’une des raisons pour lesquelles il a choisi, au lieu de devenir chercheur au CNRS, où il avait été accepté en tant que chercheur en ethnomusicologie sur la musique tzigane, il était un grand spécialiste de la musique tzigane d’Europe Centrale.

C’est à Tunis qu’il a rencontré Dadou, David Nahmias. Quand Dadou est arrivé à Paris avec sa famille, nous sommes devenus amis. J’ai été présenté et connut une grande partie de la famille de Dadou, Mamina, la mère de Dadou, Lina, une des sœurs de Dadou, qui est devenue une amie, Loulou, son cousin germain, qui voulait devenir peintre.

Je me souviens des vacances avec André dans la colonie de vacances de la Plage d’Amour, et je ressens encore cette période avec beaucoup d’émotion. J’étais entouré, sorti de l’enfance, avec des adolescents et des adolescentes de toutes les nationalités. C’était un camp de vacance international, pas seulement pour les juifs. La directrice, Tante Ida, avait eu une vie riche et pleine dans son activité de bénévole. Elle était aussi directrice d’un château appelé « Laversine » qui était situé à côté de Paris. Cette maison s’occupait d’enfants rescapés de la Shoah. André y avait enseigné et monté une chorale avec les enfants. J’y suis allé souvent avec lui en emmenant ma guitare. J’accompagnais sa chorale, avec les accords qu’il m’apprenait, pendant qu’il dirigeait le chœur. J’ai gardé encore une des partitions de l’accompagnement qu’il avait composé pour une des chansons du répertoire. La chanson « Karev Yom » (« Jour Proche »).  

Combien de mouvements, de déplacements, d’accompagnements musicaux que j’ai effectués avec lui.

Accompagnements, marcher avec lui, l’écouter, chercher à deviner la fin des phrases qu’il ne finissait pas.

A l’époque j’avais une voiture qui me facilitait les déplacements, pour aller dans les différents endroits où j’enseignais et aussi pour visiter mes amis. Mes parents, encore en Algérie, nous avaient offert une voiture que je partageais avec mon frère, une « Deux Chevaux Citroën ».

Il avait loué une chambre à Neuilly dans un appartement, qu’il partageait avec la propriétaire. Il avait dans cette chambre un piano à demi – queue, coincé entre le lit et la petite cuisine.

Miki Erdely est arrivé de Budapest. Il avait réussi à obtenir un passeport pour sortir de Hongrie. J’étais retourné habiter chez mes parents, avenue de Fontainebleau. Je connaissais Miki car j’avais déjà fait un voyage en Hongrie.

Szuszi, la femme de Miki, avait mis dans la valise, par peur que Miki ne mange pas, une cuisse de porc fumé qu’il s’empressa de mettre dans la cuisine d’André. André n’avait pas commencé son évolution religieuse.

Dès le début de notre amitié, il avait commencé à me parler de Miki, connu par sa participation à un groupe de scouts. C’est ainsi qu’il rencontra aussi Hedi Tarjan et Szuszi Szenes, qui allait devenir la femme de Miki. Ils ont eu ensemble deux enfants, Gyuri. Dans mes séjours en Hongrie, j’ai habité chez Miki. Nous sortions beaucoup ensemble, il m’emmenait dans les cafés où les intellectuels et les artistes se rencontraient habituellement. J’étais assis, silencieux, tout à l’écoute, sans comprendre au début, cette langue, le hongrois. C’est devenu une habitude ensuite, avec les amis parlant d’autres langues étrangères, comme ce grand ami Sidi Lamine Diarra, qui parlait Bambara avec ses compatriotes réfugiés à Paris. Je continue cette technique d’écoute sans comprendre avec l’hébreu. J’écoute ces langues étrangères avec mes oreilles musicales, pas avec mon intellect. Je commence par l’écoute, et peu à peu, j’essaye de comprendre, en plus de la musique de la langue, le sens de ce qui a été dit. J’ai ainsi appris, avec tous les inconvénients que cela comporte, et les absences de relation entre l’écrit et l’oral, et les confusions sémantiques que cela provoque. J’étais, là, avec lui. J’entrais dans des ambiances. J’entrais dans un monde. Ma relation avec André, je voulais l’approfondir. Lire le mot, le voir en lettres, permet un sens plus univoque, l’entendre laisse la possibilité de comprendre ce mot, non pas d’une manière équivoque, mais dans toute sa profondeur orale. Par exemple, quand j’entends « vert », j’entends aussi le « ver », le « vair », le « verre », etc…

Mon désir d’approfondir ce que j’avais ressenti avec André de la profondeur pédagogique et musicale hongroise. Emerveillé par le savoir et la puissance de ce que j’avais ressenti de la tradition musicale en Hongrie, transmise par Bela Bartók et Zoldan Kodaly, les maîtres d’André. Je trouvais cette tradition musicale authentique. Enormément de grands musiciens du dix-neuvième siècle sont hongrois, non seulement dans le domaine classique, mais dans tous les styles et genres. Budapest avait été une ville effervescente, concurrente de Vienne. La guerre a détruit beaucoup de traditions intellectuelles, artistiques.  

Ma fascination pour les amis hongrois d’André m’a forcé à partir dans son ancien pays. Je voyageais et restais deux ou trois mois. Ma profession d’enseignant me laissant assez de temps libre. C’était dans les années mil neuf cent soixante-cinq. J’avais connu André en mil neuf cent cinquante-sept, quelques années étaient passées.           

Quand je n’étais pas en Hongrie, les amis d’André m’écrivaient beaucoup. J’ai gardé la correspondance avec eux. Ils se forçaient à écrire en français. J’ai aussi fait des efforts pour apprendre le hongrois.

A mon premier voyage, j’ai rencontré le père d’André. Sa mère avait déjà réussi à sortir du pays. Ses parents étaient divorcés. André était enfant unique, éduqué par sa mère. A mon départ, son père m’a transmis une petite valise avec ses petits souliers d’enfant, des partitions qu’il avait écrites… tous ses petits souvenirs.


Mon envie d’étudier en Hongrie et de vivre plus longtemps avec Miki, Szuszi et Hedi, m’a poussé à demander une bourse d’études, que je reçus en mil neuf cent soixante-huit. 

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