souvenirs de ma relation avec André Hajdu 08-11-16 partie 4
André et sa femme Ruth Hajdu
Miki Erdely était déjà, comme André me l’a raconté, un
personnage clef. Il m’a dit une chose étonnante il y a deux ans, après que Miki
soit mort : « Roger, tu sais ce que je pense ? Miki était un génie,
et Dadou un ‘Tzadik’ (Juste) ». Quand j’ai relaté cette phrase à Loulou, mon
ami le cousin germain de Dadou, celui – ci a été très sceptique, il a enchaîné
en me racontant les défauts de Dadou. Dans la phrase d’André, que pensait – il de
cette différence entre le génie et le « Juste » ?
Miki Erdely avait une intelligence spéciale et de grands
dons. Il était architecte et peintre, beaucoup d’activités artistiques,
littéraires, philosophiques. Il s’intéressait aux avants gardes. Il avait fondé
en Hongrie un mouvement avant-gardiste. Les dernières années de sa vie, il avait
pratiqué les installations. Il était devenu l’initiateur d’un nouveau mouvement
avant – garde en Hongrie, dont il était devenu l’une des têtes pensantes. J’ai
aussi participé, l’été mil neuf cent soixante-neuf, l’été où j’ai conduit dans
ma « Quatre Chevaux » Miki à Paris, en passant par l’Allemagne, où il
devait faire un évènement – installation, auquel participait également Joseph
Beus. Etant avec lui, il m’emmenait dans les activités artistiques qu’il
poursuivait. J’avais des résistances à comprendre les qualités artistiques
de ce nouvel art. Des résistances aussi dans le côté trop européen de cette façon
de penser et de faire.
Ma nature personnelle, séfarade, allait plutôt dans une
direction orientale, ainsi que mes recherches personnelles.
« Entendre les voix ».
Cette phrase, jusqu’à présent, me préoccupe, comment
comprendre les fonctions de l’œil et de l’écoute sans les séparer mentalement. Comment
entendre les sons, les bruits, les mots, qui entraînent les images et le sens.
« Voir la voix ». « Ecouter l’image ». L’œil
écoute. Une revue française a pris comme titre « l’œil écoute »,
ainsi qu’une galerie de peintures.
Pour jouer de la musique, j’aime le faire par cœur, fermer
les yeux, recréer le texte, la partition dans ma tête. La vue me dérange. Une
difficulté de plus que j’essaye de résoudre. Ne pas entrer dans la séparation
totale entre l’écrit et l’oral, l’œil et la voix, mais maintenir l’écart et
chercher la jonction. Comment sentir que tous les sens sont en relation. L’œil qui
voit la partition, la main qui touche et caresse les cordes et provoque le son.
Ce que l’on voit nous perturbe, ou nous aide, ce que l’on
entend nous perturbe, ou nous aide. Ambigüité du son, du signe.
Ayant fait un grand collage il y a plus de vingt ans, que j’ai
appelé au début « Totalité et Infini, Hommage à Emmanuel Levinas »,
que j’ai renommé ensuite « A Deux Mains, A Demain », ma réflexion se
portait sur le problème de comment faire voir le temps plastiquement en
utilisant les mains comme sujet, sujet du « faire », sujet de la
caresse, sujet du toucher. La main nous apprend beaucoup sur nous – mêmes. La dualité
du geste de la main qui, jusqu’au dernier moment, vers l’autre, ne laisse pas
présager la caresse ou la gifle. Cette ambigüité du signe et de l’intentionnalité.
Nous voulons comprendre, mais nous ne n’apercevons pas de l’immensité
de cette tâche.
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