Wednesday, November 23, 2016

souvenirs de ma relation avec André Hajdu 15-08-16 partie 8


A mes yeux, il avait un rapport étrange avec les choses, pourrais – je dire de la maladresse. Pourtant, quand je le voyais jouer du piano, il devenait un autre, ses mains coulaient sur le clavier. Il faisait corps avec tout le piano. Il n’y avait plus de séparation entre l’instrument et lui. Il jouait comme si la musique était là, donnée, reçue. Par contre, quand je le voyais vivre, je voyais la difficulté  qu’il avait avec les objets. J’avais l’impression d’un détachement conscient ou inconscient de tout ce qui était objet utilitaire. Les choses techniques ne l’intéressaient pas, ce détachement par rapport aux objets était non pas un désintéressement, mais il ne rentrait pas dans son monde intérieur.

J’avais quinze ans. Il me parlait de littérature, de l’âme, de l’intériorité… Il me disait très souvent que D.ieu réside à l’intérieur de nous – mêmes. Cela me donnait envie d’étudier pour comprendre plus profondément ce qu’il aurait voulu m’éclairer. Qu’est – ce que l’âme ? Où se trouve l’âme ?
Je continue d’étudier, de lire sur ce sujet.

En hébreu, « néshama » (« âme »), c’est aussi « néshima » (« souffle »), par le jeu des consonances et similitudes dans cette langue. Ce rapport avec la respiration se trouve dans toutes les traditions. La musique, le chant, est basée aussi sur la respiration. Il faut savoir respirer entre les phrases. La prière est une forme de respiration, une façon de respirer avec les mots.

L’étude permet plus de discernement. Mais l’étude est toujours provoquée par la rencontre avec l’autre, avec Daniel, avec André, avec des personnes me posant des « problèmes », qui me donnent à réfléchir et à chercher le sens des mots, et le sens de la vie. Il y a en nous ce combat entre le désir d’être fixe, de ne pas bouger, et le contraire, que la vie est mouvement. Comment bouger, comment faire que ce mouvement ne soit pas assimilé à un désordre, une incohérence, verbale ou physique, mais à une recherche de cohérence, de sens, d’élégance ?

André avait une manière mystérieuse d’être élégant. Par ses attitudes, il posait des problèmes aux gens qui l’ont côtoyé. Ces problèmes, cette confrontation avec lui, a permis quelques fois aux gens et à ses élèves qui l’ont côtoyé de trouver leur propre cohérence.

La phrase : « D.ieu est à l’intérieur de nous » m’a été souvent dite par lui, ainsi que « je suis comme un nuage ». J’ai trouvé dans les livres à éclaircir ces dires.

Un nuage n’a pas de forme. Sa forme change. Pour pouvoir contempler un nuage, il faut soi – même imaginer une forme à partir de lui. Trouver dans ce qui nous est proposé par la nature, à interpréter le sens de la forme, et donc à lui donner une forme.

Il est important pour moi de trouver une forme dans l’expression verbale, ou dans la manière d’être, de se comporter, une forme permettant cette cohérence. Suis – je élégant, quand je joue, suis – je moins crispé… La forme est liée avec l’écoulement. Quand on voit un ruisseau couler, malgré les cailloux, il y a quand même une cohérence, dans cet évitement.

Ne dois – je pas travailler sur cette recherche de cohérence entre le langage, la manière dont je parle, la manière dont je joue, la manière dont je vis, la manière dont je bouge mes mains…

André jouant du piano, et l’interrogation que cette vision – écoute a provoqué en moi, me le permet.
Quelques fois, André disait avant de se mettre à jouer : « je ne suis pas un virtuose ». Je ne comprenais pas au début pourquoi il faisait cette différence. Plus tard, j’ai compris le discernement qu’il faisait. Il savait que la musique et l’art ne passent pas par la technique.
Que veut dire « être virtuose » ? Cela engage une autre manière de pensée, une autre recherche. Une manière de penser que la répétition mécanique et automatique amène à la virtuosité. Grâce à ses maîtres, André avait reçu un autre apprentissage qui n’était pas cette sorte de mécanisation. En cela, il était un grand pianiste, n’ayant aucun problème, ni avec la technique, ni avec l’objet.

L’objet, un marteau ou une guitare, ont des finalités différentes. Planter un clou peut se faire aussi avec art et élégance, comme jouer de la guitare ou d’un autre instrument. La manière de se comporter avec un objet, outil, ou instrument, provient de la pensée et de la tension vers la finalité de l’acte à accomplir.


Quelle est la finalité de l’outil ou de l’instrument ? Avant d’y penser, il faut établir un rapport élégant avec l’instrument, qui exclut la précipitation pour arriver au but. C’est la réflexion sur « le comment faire ». Faire attention que l’instrument ne nous gêne pas, mais soit le prolongement de nous – mêmes. De la même façon, ce « faire attention » nous permet la transposition dans les rapports humains. Ne pas gêner les autres. 


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