Wednesday, December 21, 2016

souvenirs de ma relation avec André 27-09-16 partie 1

On est le vingt-six septembre deux mil seize.

Le comportement admiratif, l’enthousiasme que j’ai pour les personnes, pour les idées philosophiques et les œuvres artistiques, m’a donné à penser aux limites que je devais m’imposer. J’ai eu pour André, pour son personnage et sa musique, une admiration qui me rendait lyrique. Quand je commençais mes tirades, il devenait nerveux et était gêné.

La gêne d’André venait – elle du fait qu’il sentait que j’avais dépassé cette limite, et que je rendais sa position difficile.

Quand on dit à une femme que l’on aime : « je t’adore ». Est – ce que dans cette manière de parler, ce sens commun du langage est – il de l’idolâtrie ? Quelle est la frontière entre l’amour, l’adoration et l’idolâtrie ?

Il y a une cinquantaine d’années, époque où Romain Rolland était encore lu et apprécie, Dadou Nahmias m’avait prêté un livre : l’autobiographie de Ramakrishna. C’était un sage hindou qui portait toujours une petite poupée avec lui. Elle représentait son « dieu ». Les enfants aussi, ont besoin d’un objet, que la psychanalyse appelle un « objet fétiche », ou un « doudou ».

Le besoin de représentation, de se représenter par l’intermédiaire d’un objet ou d’une image est – il nécessaire pour canaliser son adoration ?

En tant que juif, sans avoir une grande culture du judaïsme, j’essaye de comprendre ce qu’est le travail de l’idolâtrie.

André venant d’un pays considéré comme un pays païen, malgré la christianisation tardive, portait le nom d’une tribu barbare, les Hajdu. L’Europe de l’Est étant plus païenne que la partie catholique de l’Europe occidentale. Il me parlait souvent du comportement païen des habitants du pays où il était né.  

Ces dernières années, dans nos rencontres bi–hebdomadaires, on s’asseyait dans un café, dereh Beth Lehem (boulevard de la Maison du Pain), appelé « le Lieu d’Isaac ». Plus tard, dans un deuxième café plus « bourgeois » où il préférait s’asseoir car il pouvait y manger de bons gâteaux, il me racontait ce qu’il composait. Il ne parlait pas beaucoup de sa vie, de ses enfants, ni de ses études talmudiques.

J’avais l’impression qu’il composait tout le temps dans sa tête, et quand je le voyais pianoter sur la table de café, je sentais qu’il s’était tourné vers l’univers de la musique. La musique lui venait à l’esprit la nuit et le forçait à se lever du lit pour aller dans son salon. Il ne voulait pas déranger Ruth, ni les voisins, ainsi, il transcrivait ce qu’il avait dans la tête sur le papier.

Certains compositeurs ont pour habitude de jouer et de composer à partir de leur instrument. Ne pouvant jouer du piano la nuit, il pouvait avec aisance entendre et composer dans sa tête.

En plus de nos rencontres deux fois par semaine, il m’invitait pour assister à ses concerts, ses conférences, une grande partie de ses activités musicales. Nous nous rencontrions aussi pour assister aux cours donnés par Daniel Epstein.

J’ai repris beaucoup de ses idées pédagogiques dans mon enseignement comme professeur de guitare, et ensuite comme professeur de zarb, mon instrument de percussion iranien, quand j’ai fondé mes différents groupes de musique, j’ai cherché à ne pas séparer l’éthique de l’esthétique, c’est-à-dire faire en sorte que la musique soit la vie et que la vie soit la musique.


Il était préoccupé par la musique, essentiellement mais pas absolument. Il lisait beaucoup, avait une grande culture littéraire et philosophique. Il pouvait réciter par cœur les poèmes de ses auteurs hongrois préférés. André me parlait du doute qu’il avait de lui – même, et se demandait s’il était vraiment compositeur. 


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