Monday, December 12, 2016

souvenirs de ma relation avec André 31-08-16 partie 2

André m’avait fait entrer à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. J’y ai étudié, voulant y obtenir un diplôme d’ethnomusicologue. Au début, je voulais faire un diplôme ’ sur les différents styles et manières de jouer de la guitare, en particulier dans le monde gitan – espagnol. J’ai commencé à travailler sur ce sujet. Grâce aux conférences que l’on écoutait dans cette école, j’ai commencé à m’intéresser davantage à la musique persane, au Setar en particulier, que je considérais comme un « ancêtre » de la guitare. J’étais très sensible au contenu et à l’esprit de cette musique. André l’a aussi, et l’origine de toutes mes années avec les musiques orientales. Ce sont les conférences du professeur Tran Van Khé, musicien vietnamien, et grand érudit des musiques du Moyen – Orient et de l’Extrême – Orient. Il avait commencé dans son pays à étudier la musique occidentale, et avait travaillé le chant.

J’ai étudié plusieurs années avec lui dans son école de musique, située dans l’université de Jussieu.

Les conférences de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes se tenaient à Neuilly. J’ai pratiqué longtemps une très longue ligne de Métropolitain, la ligne sept. J’habitais chez mes parents à l’époque au Kremlin – Bicêtre, presque au terminus de la ligne sept. On assistait, en matinée, pendant deux ou trois heures, à une conférence donnée chaque fois par un spécialiste de musique ethnique, Afrique, Inde, Japon, Chine, etc… Le Professeur Tran Van Khe était très actif. Ses conférences portaient sur les musiques d’Asie : musique vietnamienne, chinoise, et japonaise. Bien avant de le connaître, j’avais eu une grande admiration pour la civilisation japonaise.

J’ai commencé à m’ouvrir sur d’autres musiques orientales grâce au Professeur Tran Van Khe. Jusqu’à sa mort, j’ai gardé des contacts avec lui.

J’avais étudié dans l’Ecole des Musiques Orientales qu’il avait fondée, à Censier. Les cours avaient lieu en fin de semaine. J’avais choisi d’étudier avec un professeur chinois un instrument appelé « Pipa », qui a une technique de mains que je ne connaissais pas et qui m’intéressait par la multiplicité des mouvements, les allers – retours des doigts, et la manière d’utiliser entièrement la main. Cela ajoutait de nouveaux mouvements aux techniques de la guitare. Je connaissais la technique de mains de la guitare. J’étais intéressé par cette technique, mais la personnalité du professeur et ma sensibilité envers la musique chinoise, que je ne ressentais pas bien à l’époque, m’a obligé à changer de direction. Avec le Professeur Tran Van Khe, j’ai étudié un instrument appelé « Dan Tran », une cithare sur table, que l’on joue avec le pouce et l’index de la main droite, tout en appuyant légèrement sur les cordes avec la main gauche.

 A l’heure actuelle, je suis plus sensible à cette intelligence et sensibilité extrêmement belle des orientaux et de leur comportement avec leurs instruments. Leurs instruments sont faits pour la douceur et l’intimité. Il n’y a pas de violence dans leur jeu, ni dans leur musique.

Je ne discernais pas ce qu’était la violence. Je n’avais pas appris par mes professeurs occidentaux à discerner cette approche instrumentale.

A l’heure actuelle, je me suis aperçu que mon jeu à la guitare était violent et précipité. Je change actuellement mes habitudes en essayant de jouer avec douceur et lenteur. Je ne cherchais pas la violence pour la violence. Mais les effets et la rapidité de cerveau ont entraîné une rapidité d’exécution, liées aussi à l’accélération du rythme de vie et s’est imposée de plus en plus. Cela m’a été néfaste car, quand on veut devenir un artiste, ou un musicien, il faut résister à l’accélération et revenir à des tempos lents.

Malgré ma grande admiration pour le Professeur Tran Van Khe, ma sensibilité et ma culture occidentale m’empêchaient de sentir la profondeur de cet enseignement, qui différait complètement des valeurs que j’apprenais à la « Schola Cantorum ». Ce que je percevais alors dans leur musique ne satisfaisait pas mon besoin de recherche spirituelle.

Par hasard, ayant vu, dans cette école, des affiches de concerts de musique orientale. La musique orientale n’était pas connue à Paris en mil neuf cent soixante-neuf. Cette affiche signalait un concert donné par des musiciens iraniens. Ce concert était organisé dans une maison privée, où la table avait été transformée en scène, sur laquelle se trouvaient trois musiciens, un instrument à cordes, le « Tar », un instrument à archet, le « Kamantché », et un instrument à percussion, joué par un certain Djamchid Chemirani. Cet instrument m’a ébloui. Djamchid est devenu mon professeur de percussion iranienne, le « Zarb ». Jusqu’à présent, il reste un ami que je visite à chacun de mes séjours en France. J’ai découvert dans la musique iranienne une musique non seulement très intense, très profonde, très intérieure, mais aussi une façon de jouer élégante, sans violence. Après ce concert, j’avais été tellement impressionné que j’ai demandé à rencontrer Djamchid. Je lui ai communiqué mon enthousiasme pour son instrument et demandé s’il voulait me l’enseigner. Il m’a répondu : « je vous donne mon numéro de téléphone, téléphonez – moi ». Dans cette première rencontre, dans un café, près de l’endroit où il habitait alors, il a accepté de me prendre comme élève, m’a demandé d’aller en Iran pour acheter l’instrument. Ce que j’ai fait, dans l’été mil neuf cent soixante-neuf, après avoir acheté une moto d’occasion, « Java », et convaincu un élève, Serge. Nous avons fait le trajet, partant de Paris, en passant par la Suisse, l’Italie, la Côte Méditerranéenne, jusqu’en Turquie, et monté sur le Plateau Iranien. Arrivé à Téhéran, j’ai cherché à le contacter. Il était déjà sur les lieux du festival de Persépolis. Ayant eu son père au téléphone, celui – ci nous a invités à habiter dans sa villa à Chémiran.

Nous y avons passé deux jours, avant de prendre la route, et de traverser les deux déserts qui séparent Téhéran de Persépolis. Mon voyage a étonné les personnes que j’ai rencontrées. Le Ministre de la Culture nous avait donné la possibilité d’habiter à l’Université où se trouvaient tous les musiciens qui participaient à ce festival, particulièrement consacré à la percussion.

De retour à Paris, j’ai étudié avec lui. Dans les pauses qu’il faisait entre chaque cours qu’il donnait, nous allions au café, et ainsi, peu à peu, nous sommes devenus amis. J’étais souvent invité chez lui, j’y dormais quelques fois, et ces soirs – là, je jouais de la guitare pour endormir les enfants.

Sa rencontre, et les autres relations, proches, viennent d’André. Mes études et mon amitié pour Djamchid Chémirani est aussi l’une des dettes que j’ai envers André.

Le « puzzle » de ma dette vers André n’est pas achevé. Ce côté absolument généreux d’André, et ses intuitions, comme celle de m’avoir emmené étudier à l’Ecole des Hautes Etudes Pratiques, m’a bouleversé.

Il m’avait également emmené, avec Dadou, étudier les Textes Sacrés, chez le Rav Wenstein, rue des Martyrs. Ce savant talmudique avait été conseillé à André par Burt Krancer, avec qui il partageait sa chambre dans cette Maison d’Etudiants Juifs rue Guy Patin. Burt est également devenu mon ami. Il arrivait de New – York pour étudier à l’Ecole de Cinéma. Burt observait le Chabbath et étudiait la « Guémara » (Talmud). Il commençait également à faire des films. Il a invité André à faire la musique d’un film qu’il était en train de réaliser, qui se tournait en Grèce et était édité à Rome. J’ai été les visiter en auto – stop. J’y ai habité quelques jours avec eux. André me racontait que, quand le Chabbath arrivait, Burt ne voulait plus filmer, ce qui était devenu une chose difficile pour les producteurs de ce film. Pour une production de cinéma, perdre un jour, c’est perdre de l’argent.

André, ébloui par l’attitude de Burt, avait découvert « l’espace » du Chabbath, en l’étude, avec Burt, des textes.

Ma relation avec Burt Krancer a aussi été intense.

Paul Mefano, un colocataire d’André, était étudiant au Conservatoire National de Paris, en classe de composition. Grâce à lui, j’ai pu entrer étudier au Conservatoire le cor d’harmonie avec le professeur Paul Devemy. J’ai vécu ainsi une année dans ce Conservatoire qui n’avait pas encore de classe de guitare. André a toujours gardé le contacts avec Burt Krancer et Paul Mefano.

Peu à peu, Burt Krancer n’a plus voulu faire de films et avait choisi entièrement l’étude et la vie religieuse. Il travaillait dans toutes sortes de domaines pour subvenir aux besoins de sa famille. Il vit à Brooklyn, et je l’ai rencontré quand il vient visiter ses enfants en Israël.

André n’a jamais voulu choisir une voie exclusive. Il essayait de réaliser toutes ses possibilités. Ne pas nier son chemin de compositeur, tout en étant pratiquant. Rester intègre, tout en respectant le désir de se réaliser comme compositeur, et de réaliser sa vie d’une manière éthique.


0 Comments:

Post a Comment

<< Home