souvenirs de ma relation avec André 31-08-16 partie 2
André m’avait fait entrer à l’Ecole Pratique
des Hautes Etudes. J’y ai étudié, voulant y obtenir un diplôme
d’ethnomusicologue. Au début, je voulais faire un diplôme ’ sur les différents
styles et manières de jouer de la guitare, en particulier dans le monde gitan –
espagnol. J’ai commencé à travailler sur ce sujet. Grâce aux conférences que
l’on écoutait dans cette école, j’ai commencé à m’intéresser davantage à la
musique persane, au Setar en particulier, que je considérais comme un « ancêtre »
de la guitare. J’étais très sensible au contenu et à l’esprit de cette musique.
André l’a aussi, et l’origine de toutes mes années avec les musiques
orientales. Ce sont les conférences du professeur Tran Van Khé, musicien
vietnamien, et grand érudit des musiques du Moyen – Orient et de l’Extrême –
Orient. Il avait commencé dans son pays à étudier la musique occidentale, et
avait travaillé le chant.
J’ai étudié plusieurs années avec
lui dans son école de musique, située dans l’université de Jussieu.
Les conférences de l’Ecole Pratique des
Hautes Etudes se tenaient à Neuilly. J’ai pratiqué longtemps une très longue
ligne de Métropolitain, la ligne sept. J’habitais chez mes parents à l’époque
au Kremlin – Bicêtre, presque au terminus de la ligne sept. On assistait, en
matinée, pendant deux ou trois heures, à une conférence donnée chaque fois par
un spécialiste de musique ethnique, Afrique, Inde, Japon, Chine, etc… Le
Professeur Tran Van Khe était très actif. Ses conférences portaient sur les
musiques d’Asie : musique vietnamienne, chinoise, et japonaise. Bien avant
de le connaître, j’avais eu une grande admiration pour la civilisation
japonaise.
J’ai commencé à m’ouvrir sur
d’autres musiques orientales grâce au Professeur Tran Van Khe. Jusqu’à sa mort,
j’ai gardé des contacts avec lui.
J’avais étudié dans l’Ecole des
Musiques Orientales qu’il avait fondée, à Censier. Les cours avaient lieu en
fin de semaine. J’avais choisi d’étudier avec un professeur chinois un
instrument appelé « Pipa », qui a une technique de mains que je ne
connaissais pas et qui m’intéressait par la multiplicité des mouvements, les
allers – retours des doigts, et la manière d’utiliser entièrement la main. Cela
ajoutait de nouveaux mouvements aux techniques de la guitare. Je connaissais la
technique de mains de la guitare. J’étais intéressé par cette technique, mais la
personnalité du professeur et ma sensibilité envers la musique chinoise, que je
ne ressentais pas bien à l’époque, m’a obligé à changer de direction. Avec le
Professeur Tran Van Khe, j’ai étudié un instrument appelé « Dan
Tran », une cithare sur table, que l’on joue avec le pouce et l’index de
la main droite, tout en appuyant légèrement sur les cordes avec la main gauche.
A l’heure actuelle, je suis plus sensible à
cette intelligence et sensibilité extrêmement belle des orientaux et de leur
comportement avec leurs instruments. Leurs instruments sont faits pour la
douceur et l’intimité. Il n’y a pas de violence dans leur jeu, ni dans leur
musique.
Je ne discernais pas ce qu’était la
violence. Je n’avais pas appris par mes professeurs occidentaux à discerner
cette approche instrumentale.
A l’heure actuelle, je me suis
aperçu que mon jeu à la guitare était violent et précipité. Je change
actuellement mes habitudes en essayant de jouer avec douceur et lenteur. Je ne
cherchais pas la violence pour la violence. Mais les effets et la rapidité de
cerveau ont entraîné une rapidité d’exécution, liées aussi à l’accélération du
rythme de vie et s’est imposée de plus en plus. Cela m’a été néfaste car, quand
on veut devenir un artiste, ou un musicien, il faut résister à l’accélération
et revenir à des tempos lents.
Malgré ma grande admiration pour le
Professeur Tran Van Khe, ma sensibilité et ma culture occidentale m’empêchaient de
sentir la profondeur de cet enseignement, qui différait complètement des
valeurs que j’apprenais à la « Schola Cantorum ». Ce que je percevais
alors dans leur musique ne satisfaisait pas mon besoin de recherche
spirituelle.
Par hasard, ayant vu, dans cette
école, des affiches de concerts de musique orientale. La musique orientale
n’était pas connue à Paris en mil neuf cent soixante-neuf. Cette affiche
signalait un concert donné par des musiciens iraniens. Ce concert était
organisé dans une maison privée, où la table avait été transformée en scène,
sur laquelle se trouvaient trois musiciens, un instrument à cordes, le « Tar »,
un instrument à archet, le « Kamantché », et un instrument à
percussion, joué par un certain Djamchid Chemirani. Cet instrument m’a ébloui. Djamchid
est devenu mon professeur de percussion iranienne, le « Zarb ». Jusqu’à
présent, il reste un ami que je visite à chacun de mes séjours en France. J’ai
découvert dans la musique iranienne une musique non seulement très intense,
très profonde, très intérieure, mais aussi une façon de jouer élégante, sans
violence. Après ce concert, j’avais été tellement impressionné que j’ai demandé
à rencontrer Djamchid. Je lui ai communiqué mon enthousiasme pour son
instrument et demandé s’il voulait me l’enseigner. Il m’a répondu :
« je vous donne mon numéro de téléphone, téléphonez – moi ». Dans
cette première rencontre, dans un café, près de l’endroit où il habitait alors,
il a accepté de me prendre comme élève, m’a demandé d’aller en Iran pour
acheter l’instrument. Ce que j’ai fait, dans l’été mil neuf cent soixante-neuf,
après avoir acheté une moto d’occasion, « Java », et convaincu un
élève, Serge. Nous avons fait le trajet, partant de Paris, en passant par la
Suisse, l’Italie, la Côte Méditerranéenne, jusqu’en Turquie, et monté sur le
Plateau Iranien. Arrivé à Téhéran, j’ai cherché à le contacter. Il était déjà
sur les lieux du festival de Persépolis. Ayant eu son père au téléphone, celui –
ci nous a invités à habiter dans sa villa à Chémiran.
Nous y avons passé deux jours, avant
de prendre la route, et de traverser les deux déserts qui séparent Téhéran de
Persépolis. Mon voyage a étonné les personnes que j’ai rencontrées. Le Ministre
de la Culture nous avait donné la possibilité d’habiter à l’Université où se
trouvaient tous les musiciens qui participaient à ce festival, particulièrement
consacré à la percussion.
De retour à Paris, j’ai étudié avec
lui. Dans les pauses qu’il faisait entre chaque cours qu’il donnait, nous
allions au café, et ainsi, peu à peu, nous sommes devenus amis. J’étais souvent
invité chez lui, j’y dormais quelques fois, et ces soirs – là, je jouais de la
guitare pour endormir les enfants.
Sa rencontre, et les autres
relations, proches, viennent d’André. Mes études et mon amitié pour Djamchid
Chémirani est aussi l’une des dettes que j’ai envers André.
Le « puzzle » de ma dette
vers André n’est pas achevé. Ce côté absolument généreux d’André, et ses
intuitions, comme celle de m’avoir emmené étudier à l’Ecole des Hautes Etudes
Pratiques, m’a bouleversé.
Il m’avait également emmené, avec
Dadou, étudier les Textes Sacrés, chez le Rav Wenstein, rue des Martyrs. Ce savant
talmudique avait été conseillé à André par Burt Krancer, avec qui il partageait
sa chambre dans cette Maison d’Etudiants Juifs rue Guy Patin. Burt est
également devenu mon ami. Il arrivait de New – York pour étudier à l’Ecole de
Cinéma. Burt observait le Chabbath et étudiait la « Guémara »
(Talmud). Il commençait également à faire des films. Il a invité André à faire
la musique d’un film qu’il était en train de réaliser, qui se tournait en Grèce
et était édité à Rome. J’ai été les visiter en auto – stop. J’y ai habité
quelques jours avec eux. André me racontait que, quand le Chabbath arrivait,
Burt ne voulait plus filmer, ce qui était devenu une chose difficile pour les
producteurs de ce film. Pour une production de cinéma, perdre un jour, c’est perdre
de l’argent.
André, ébloui par l’attitude de
Burt, avait découvert « l’espace » du Chabbath, en l’étude, avec
Burt, des textes.
Ma relation avec Burt Krancer a
aussi été intense.
Paul Mefano, un colocataire d’André,
était étudiant au Conservatoire National de Paris, en classe de composition. Grâce
à lui, j’ai pu entrer étudier au Conservatoire le cor d’harmonie avec le
professeur Paul Devemy. J’ai vécu ainsi une année dans ce Conservatoire qui n’avait
pas encore de classe de guitare. André a toujours gardé le contacts avec Burt
Krancer et Paul Mefano.
Peu à peu, Burt Krancer n’a plus voulu
faire de films et avait choisi entièrement l’étude et la vie religieuse. Il
travaillait dans toutes sortes de domaines pour subvenir aux besoins de sa
famille. Il vit à Brooklyn, et je l’ai rencontré quand il vient visiter ses
enfants en Israël.
André n’a jamais voulu choisir une
voie exclusive. Il essayait de réaliser toutes ses possibilités. Ne pas nier
son chemin de compositeur, tout en étant pratiquant. Rester intègre, tout en
respectant le désir de se réaliser comme compositeur, et de réaliser sa vie d’une
manière éthique.
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