Monday, December 12, 2016

souvenirs de ma relation avec André 31-08-16 partie 1

Aujourd’hui, on est le mercredi trente et un août deux mil seize.

Avec Jonathan, nous avons enregistré des pensées à propos de la soirée organisée par la famille Hajdu pour les trente jours du décès d’André.

J’avais essayé de relater cette soirée, surtout le malaise que j’ai éprouvé et que j’éprouve toujours à me trouver en société.

Depuis l’enfance, j’ai beaucoup de problèmes à assister à des communions, des mariages, des manifestations, ou même à être avec plusieurs personnes dans une soirée. J’ai toujours eu ce malaise que je n’arrive pas à comprendre. Ce malaise m’est revenu pendant les sept jours de deuil.

Lundi soir, la famille avait organisé des études à la synagogue, suivies d’une réception dans leur jardin et sur le chemin qui arrive à l’entrée de leur maison. Les gens étaient à la fois assis dans le jardin, et dehors, dans le chemin public. Nous étions à la fois dehors et dedans. Ruth était assise sur le chemin avec d’autres personnes. J’avais trouvé une place un peu éloignée.

Ce ne sont pas ces lieux qui m’ont donné un malaise. Ce sont les gens, l’effet de groupe…

Yaïr, le fils aîné, a parlé pour expliquer qu’il voulait chanter les chants de Chabbath qu’André avait composés et ensuite écrits. André disposait donc d’une petite « chorale familiale » de six voix. Je ne sais pas si Ruth chantait aussi. Chaque enfant avait sa partie.

Ils ont chanté quelques chants de ce répertoire.

Ensuite, Yaïr a demandé à quelques personnes qui avaient étudié avec lui et qui connaissaient André depuis très longtemps, de parler, de raconter leurs relations.

C’est à ce moment – là qu’une grande tristesse s’est abattue sur moi. Cette tristesse a augmenté mon malaise, et, mes anciennes habitudes ont repris le dessus. J’avais une grande envie de fuir, mais je n’osais pas. J’attendais le moment, car je ne voulais pas fuir sans dire « au revoir » à la famille Hajdu.

La partie des chants était très belle. Yoni, Yonathan Niv, et Ethan Kirsch, ont chanté aussi des compositions composées pour le groupe qui avait été formé quand j’ai organisé des concerts dans mon studio « Haoman Haï ».

L’histoire de ce groupe a commencé dans mon studio, rue Haoman, numéro dix-huit. J’avais trouvé le nom. André l’a repris pour appeler son groupe. André avait oublié que ce nom venait de moi et nous avions eu un petit différend. Je savais qu’André avait l’habitude d’oublier l’origine de certaines choses, ayant une tendance à ramener les choses à lui. Il m’avait dit que je n’avais pas le droit de me servir de ce nom, car il était devenu public, grâce à son groupe. J’ai demandé des explications pour savoir comment cela se passait du point de vue de la juridiction, non pas civile, mais éthique. J’avais questionné aussi Daniel Epstein, et Jean – Jacques Guggenheim à ce sujet. Le différend s’est finalement bien terminé, quand Yoni avait expliqué à André que cela n’avait pas d’importance, que cela ne gênait ni l’un, ni l’autre, que je me serve aussi de ce nom. J’avais décidé dans mon désir d’extériorisation de publier ce nom, le nom que j’avais donné à mon studio, pour faire connaître l’endroit où je travaille.

Souvent, j’ai été blessé par cette sorte d’oubli. 


Je me suis décidé à partir vers dix heures. J’ai dit « au revoir » à Ruth, et déjà sur le chemin vers l’autobus, Ruth m’a demandé avec quel moyen de locomotion je rentrerais chez moi. Je lui ai répondu que je rentrais en autobus, comme d’habitude. Elle a fait un signe à Ezra, son deuxième enfant. Il s’est levé et m’a raccompagné en voiture. On a eu une petite discussion pendant le chemin. Il m’a demandé ce que je faisais, s’il pouvait visiter le studio. Quand je lui ai dit que je préparais un disque avec le livre « Microcosmos pour Guitare » d’André, il s’y est intéressé.

J’ai l’impression, peut – être fausse, qu’au lieu d’écrire mes souvenirs avec André, je laisse transparaître un plus de moi – même. Cette façon de faire me laisse et me fait croire que cela facilite ma spontanéité, évite la cristallisation de mes souvenirs, mais permet un flux et une aisance pour laisser remonter peu à peu les mémoires. Avec l’écriture de ce blog, j’aimerais construire, mettre en parallèle la rencontre de deux personnes venant d’horizons différents, et raconter  l’influence de l’une sur l’autre. Ecrire aussi la dette que j’ai envers André.

Comment retracer tout ce qui vient de lui, les amis qu’il m’a fait connaître, Dadou Nahmias, parti il y a quelques années. Loulou, le cousin de Dadou. Sidi Lamine Diarra, venant du Mali, ayant terminé sa vie à Paris, après une grave maladie du cerveau. Sidi est devenu un ami important. Il apportait un autre point de vue. Le point de vue africain, étant né au Mali. J’aimerais écrire sur lui. Il m’avait beaucoup appris, et fait découvrir beaucoup de grands auteurs, en particulier Maurice Blanchot.

André m’avait fait aussi découvrir les grands textes. L’un de ses premiers cadeaux fut un recueil, « les Pensées » de Pascal, qui se trouve malgré tous mes déménagements, parmi mes livres.

Dadou, qu’André avait connu à Tunis, quand il avait quitté Paris pour être professeur au Conservatoire de Musique, était considéré comme un juif existentiel. A Tunis, André avait découvert le côté existentiel des juifs sépharades. Dadou est devenu pour moi aussi un grand personnage et ami. J’admirait sa mémoire exceptionnelle, et sa façon de chanter les chansons de Brassens, dont il savait par cœur tout le répertoire.  

En deux mil seize, André m’avait dit une chose étonnante : qu’il avait eu la chance de rencontrer dans sa vie deux hommes, un « Tzadik » (Juste) et un génie. Il m’a dit que le « Tzadik » (Juste) était Dadou, et le génie, Miki.

Miki Erdely était un ami d’André de longue date. André l’avait connu quand il était aux scouts, où il avait rencontré aussi Hedi. De cette époque datent ses plus anciens amis hongrois, avec qui il était toujours resté en contact, comme Gronki à Londres, faisant partie aussi de ce groupe de scouts, que Miki dirigeait. Miki était plus âgé qu’André.

Après quelques temps de mon amitié avec André, j’ai voulu connaître la Hongrie, et rencontrer ses amis, dont il me parlait souvent. J’ai fait un premier voyage et j’ai habité chez Miki. Miki habitait à Buda, le côté vers la montagne, Pest étant le côté de la plaine. J’ai passé trois mois pleins. Miki parlait un peu de français, et avec ce peu, savait se faire comprendre. On a entretenu ensuite beaucoup de correspondances. Il se forçait à écrire en français. Son fils Daniel insiste encore pour que je vienne habiter en Hongrie.

Mon dernier voyage remonte à quelques années avant la mort d’Hedi. J’avais fait le voyage avec André pour assister à l’exposition des tableaux d’Hedi dans une galerie de Budapest. Nous avions fait un voyage commun, avec Ruth, dans le même avion, la même pension de famille, pour un peu plus d’une semaine. Cela faisait plus de trente ans que je n’étais pas retourné en Hongrie.

Le « fil » de mes amitiés.

André était devenu un « absolu ». Les autres personnes que je connaissais à l’époque commençaient à m’ennuyer, et je m’en désintéressais peu à peu. André m’a inclus dans son cercle d’amis hongrois, des réfugiés de mil neuf cent cinquante-six. Nous nous rencontrions dans le café « Old Navy », boulevard Saint – Germain – des Prés. Pendant longtemps dans ma vie, je me suis retrouvé avec des gens que j’aimais, mais dont je ne comprenais pas la langue. Cela ne me gênait pas car, ne cherchant pas le sens des mots, je restais à écouter, la langue devenait une musique, mon intuition me faisant comprendre plus ou moins ce qu’ils disaient. Il y eut aussi un autre café où nous passions des soirées, mais je ne me rappelle plus le nom de ce café.

J’ai un peu appris le hongrois, comme j’ai appris l’hébreu, c’est-à-dire, par l’écoute, et non pas par la lecture. Je suis un être d’écoute, tout en étant un grand lecteur. Je ne pense pas maintenant si j’ai vraiment lu, ou si j’ai navigué sur les lettres, si j’ai vraiment compris le contenu de ce que je lisais. A l’heure actuelle, je critique ma façon de lire, ma précipitation. Je lis trop vite, comme je fais beaucoup de choses trop vite. Je me force à lire lentement.

Dadou m’a introduit dans sa famille. J’ai connu ses sœurs, et suis devenu ami avec la plus jeune, Lina. J’étais souvent invité à partager leurs repas et leur couscous au poisson du vendredi soir. J’aimais beaucoup Mamina, la mère de Dadou, que je trouvais être une femme extraordinaire.

J’étais très lié à Lina. On parlait beaucoup. J’allais souvent la visiter rue du Pont aux Choux, dans le Marais, dans son tout petit appartement, au sixième étage du numéro vingt-deux. Elle m’a aidé à trouver un petit studio au numéro sept de cette même rue. Quand elle est partie, emportée par la maladie de la « vache folle », j’habitais en Israël, et j’ai voyagé pour lui dire « au revoir ».





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