souvenirs de ma relation avec André 31-08-16 partie 1
Aujourd’hui, on est le mercredi
trente et un août deux mil seize.
Avec Jonathan, nous avons enregistré
des pensées à propos de la soirée organisée par la famille Hajdu pour les
trente jours du décès d’André.
J’avais essayé de relater cette
soirée, surtout le malaise que j’ai éprouvé et que j’éprouve toujours à me
trouver en société.
Depuis l’enfance, j’ai beaucoup de
problèmes à assister à des communions, des mariages, des manifestations, ou
même à être avec plusieurs personnes dans une soirée. J’ai toujours eu ce
malaise que je n’arrive pas à comprendre. Ce malaise m’est revenu pendant les
sept jours de deuil.
Lundi soir, la famille avait organisé
des études à la synagogue, suivies d’une réception dans leur jardin et sur le chemin
qui arrive à l’entrée de leur maison. Les gens étaient à la fois assis dans le
jardin, et dehors, dans le chemin public. Nous étions à la fois dehors et
dedans. Ruth était assise sur le chemin avec d’autres personnes. J’avais trouvé
une place un peu éloignée.
Ce ne sont pas ces lieux qui m’ont
donné un malaise. Ce sont les gens, l’effet de groupe…
Yaïr, le fils aîné, a parlé pour
expliquer qu’il voulait chanter les chants de Chabbath qu’André avait composés
et ensuite écrits. André disposait donc d’une petite « chorale
familiale » de six voix. Je ne sais pas si Ruth chantait aussi. Chaque
enfant avait sa partie.
Ils ont chanté quelques chants de ce
répertoire.
Ensuite, Yaïr a demandé à quelques
personnes qui avaient étudié avec lui et qui connaissaient André depuis très
longtemps, de parler, de raconter leurs relations.
C’est à ce moment – là qu’une grande
tristesse s’est abattue sur moi. Cette tristesse a augmenté mon malaise, et, mes
anciennes habitudes ont repris le dessus. J’avais une grande envie de fuir, mais
je n’osais pas. J’attendais le moment, car je ne voulais pas fuir sans dire
« au revoir » à la famille Hajdu.
La partie des chants était très
belle. Yoni, Yonathan Niv, et Ethan Kirsch, ont chanté aussi des compositions
composées pour le groupe qui avait été formé quand j’ai organisé des concerts
dans mon studio « Haoman Haï ».
L’histoire de ce groupe a commencé
dans mon studio, rue Haoman, numéro dix-huit. J’avais trouvé le nom. André l’a
repris pour appeler son groupe. André avait oublié que ce nom venait de moi et nous
avions eu un petit différend. Je savais qu’André avait l’habitude d’oublier
l’origine de certaines choses, ayant une tendance à ramener les choses à lui. Il
m’avait dit que je n’avais pas le droit de me servir de ce nom, car il
était devenu public, grâce à son groupe. J’ai demandé des explications pour
savoir comment cela se passait du point de vue de la juridiction, non pas
civile, mais éthique. J’avais questionné aussi Daniel Epstein, et Jean –
Jacques Guggenheim à ce sujet. Le différend s’est finalement bien terminé,
quand Yoni avait expliqué à André que cela n’avait pas d’importance, que cela
ne gênait ni l’un, ni l’autre, que je me serve aussi de ce nom. J’avais décidé
dans mon désir d’extériorisation de publier ce nom, le nom que j’avais donné à mon
studio, pour faire connaître l’endroit où je travaille.
Souvent, j’ai été blessé par cette
sorte d’oubli.
Je me suis décidé à partir vers dix
heures. J’ai dit « au revoir » à Ruth, et déjà sur le chemin vers
l’autobus, Ruth m’a demandé avec quel moyen de locomotion je rentrerais
chez moi. Je lui ai répondu que je rentrais en autobus, comme d’habitude. Elle
a fait un signe à Ezra, son deuxième enfant. Il s’est levé et m’a raccompagné
en voiture. On a eu une petite discussion pendant le chemin. Il m’a demandé ce
que je faisais, s’il pouvait visiter le studio. Quand je lui ai dit que je
préparais un disque avec le livre « Microcosmos pour Guitare » d’André,
il s’y est intéressé.
J’ai l’impression, peut – être
fausse, qu’au lieu d’écrire mes souvenirs avec André, je laisse transparaître un
plus de moi – même. Cette façon de faire me laisse et me fait croire que cela
facilite ma spontanéité, évite la cristallisation de mes souvenirs, mais permet
un flux et une aisance pour laisser remonter peu à peu les mémoires. Avec l’écriture
de ce blog, j’aimerais construire, mettre en parallèle la rencontre de deux
personnes venant d’horizons différents, et raconter l’influence de l’une sur l’autre. Ecrire aussi
la dette que j’ai envers André.
Comment retracer tout ce qui vient
de lui, les amis qu’il m’a fait connaître, Dadou Nahmias, parti il y a quelques
années. Loulou, le cousin de Dadou. Sidi Lamine Diarra, venant du Mali, ayant
terminé sa vie à Paris, après une grave maladie du cerveau. Sidi est devenu un
ami important. Il apportait un autre point de vue. Le point de vue africain,
étant né au Mali. J’aimerais écrire sur lui. Il m’avait beaucoup appris, et
fait découvrir beaucoup de grands auteurs, en particulier Maurice Blanchot.
André m’avait fait aussi découvrir
les grands textes. L’un de ses premiers cadeaux fut un recueil, « les
Pensées » de Pascal, qui se trouve malgré tous mes déménagements, parmi mes
livres.
Dadou, qu’André avait connu à Tunis,
quand il avait quitté Paris pour être professeur au Conservatoire de Musique,
était considéré comme un juif existentiel. A Tunis, André avait découvert le
côté existentiel des juifs sépharades. Dadou est devenu pour moi aussi un grand
personnage et ami. J’admirait sa mémoire exceptionnelle, et sa façon de chanter
les chansons de Brassens, dont il savait par cœur tout le répertoire.
En deux mil seize, André m’avait dit
une chose étonnante : qu’il avait eu la chance de rencontrer dans sa vie
deux hommes, un « Tzadik » (Juste) et un génie. Il m’a dit que le
« Tzadik » (Juste) était Dadou, et le génie, Miki.
Miki Erdely était un ami d’André de
longue date. André l’avait connu quand il était aux scouts, où il avait
rencontré aussi Hedi. De cette époque datent ses plus anciens amis hongrois,
avec qui il était toujours resté en contact, comme Gronki à Londres, faisant
partie aussi de ce groupe de scouts, que Miki dirigeait. Miki était plus âgé
qu’André.
Après quelques temps de mon amitié
avec André, j’ai voulu connaître la Hongrie, et rencontrer ses amis, dont il me
parlait souvent. J’ai fait un premier voyage et j’ai habité chez Miki. Miki
habitait à Buda, le côté vers la montagne, Pest étant le côté de la plaine.
J’ai passé trois mois pleins. Miki parlait un peu de français, et avec ce peu,
savait se faire comprendre. On a entretenu ensuite beaucoup de correspondances.
Il se forçait à écrire en français. Son fils Daniel insiste encore pour que je
vienne habiter en Hongrie.
Mon dernier voyage remonte à
quelques années avant la mort d’Hedi. J’avais fait le voyage avec André pour assister
à l’exposition des tableaux d’Hedi dans une galerie de Budapest. Nous avions fait
un voyage commun, avec Ruth, dans le même avion, la même pension de famille,
pour un peu plus d’une semaine. Cela faisait plus de trente ans que je n’étais
pas retourné en Hongrie.
Le « fil » de mes amitiés.
André était devenu un
« absolu ». Les autres personnes que je connaissais à l’époque
commençaient à m’ennuyer, et je m’en désintéressais peu à peu. André m’a inclus
dans son cercle d’amis hongrois, des réfugiés de mil neuf cent
cinquante-six. Nous nous rencontrions dans le café « Old Navy »,
boulevard Saint – Germain – des Prés. Pendant longtemps dans ma vie, je me suis
retrouvé avec des gens que j’aimais, mais dont je ne comprenais pas la langue. Cela
ne me gênait pas car, ne cherchant pas le sens des mots, je restais à écouter,
la langue devenait une musique, mon intuition me faisant comprendre plus ou
moins ce qu’ils disaient. Il y eut aussi un autre café où nous passions des
soirées, mais je ne me rappelle plus le nom de ce café.
J’ai un peu appris le hongrois,
comme j’ai appris l’hébreu, c’est-à-dire, par l’écoute, et non pas par la
lecture. Je suis un être d’écoute, tout en étant un grand lecteur. Je ne pense
pas maintenant si j’ai vraiment lu, ou si j’ai navigué sur les lettres, si j’ai
vraiment compris le contenu de ce que je lisais. A l’heure actuelle, je
critique ma façon de lire, ma précipitation. Je lis trop vite, comme je fais
beaucoup de choses trop vite. Je me force à lire lentement.
Dadou m’a introduit dans sa famille.
J’ai connu ses sœurs, et suis devenu ami avec la plus jeune, Lina. J’étais
souvent invité à partager leurs repas et leur couscous au poisson du vendredi
soir. J’aimais beaucoup Mamina, la mère de Dadou, que je trouvais être une
femme extraordinaire.
J’étais très lié à Lina. On parlait
beaucoup. J’allais souvent la visiter rue du Pont aux Choux, dans le Marais,
dans son tout petit appartement, au sixième étage du numéro vingt-deux. Elle
m’a aidé à trouver un petit studio au numéro sept de cette même rue. Quand elle
est partie, emportée par la maladie de la « vache folle », j’habitais
en Israël, et j’ai voyagé pour lui dire « au revoir ».
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