Sunday, July 30, 2017

Roger et André à propos de A Deux Mains 21-01-16

R : C’est beaucoup plus grand que le grand collage. Ce projet, à mon âge, me permet d’apprendre à entrer dans le système institutionnel. Je continue, maintenant, à travailler avec mon propre argent, cet argent qui provient de la perte de mon appartement, rue des Prophètes.
Les conditions sont différentes. J’ai débuté ce projet pour sortir de la dépression. Quelle était la nature de ma dépression ? Une question m’obsédait : pourquoi peindre, et qu’adviendra-t-il de toute mon œuvre plastique ?
Je n’ai pas d’enfants. Où va aller cette œuvre ? Je n’ai pas non plus d’éditeur, ni de personne qui s’occupe de leur promotion.
Mon projet, « Mère », est tellement important, avec la pensée de vouloir réunir, et trouver une cohérence dans tout ce que j’ai fait en peinture, musique, poésie. Je cherche que ce projet soit suffisamment cohérent et clair, intelligible, pour qu’il vive de lui-même.
Trouver des institutions extérieures et des personnes privées, c’est une manière de protéger ce que j’ai fait et laisser une « trace ».
Qui a protégé les œuvres de Hédi Tarjàn ? Toi, moi et Catherine. Sinon, où auraient-elles été ? Je ne pouvais les garder dans mon studio où elles auraient dormi jusqu’à mon propre départ.
As-tu parlé récemment avec Georges Erdely ?

A : Je n’ai écrit que d’aucune manière, personne n’était invité chez moi, ni Georges, ni Dadou. C’est une manipulation.

R : C’est ce que tu as écrit, alors ?
Dany Erdely ne m’a pas téléphoné. Il a fait en sorte que Georges me téléphone pour me dire cela. Je lui ai dit que je ne comprenais pas, son français étant insuffisant.

A : Tout cela tourne autour du film « le fils de Shaul » qu’a réalisé le fils de Daniel Erdely, et donc le petit-fils de Miki Erdely.
J’ai reçu un appel téléphonique aujourd’hui de l’Ambassade de Hongrie.
La secrétaire me dit que dimanche après-midi, il y aura une projection…

R : Il faut aller le voir. C’est un film magnifique.
Elle a dit qu’il serait projeté à Tel-Aviv ? Georges E. m’avait dit que la projection aurait lieu à Jérusalem.

A : Ce sera à Tel-Aviv, dimanche après-midi. Je ne veux pas rater cela. Daniel aussi voulait le voir.

R : C’est sur invitation ou dans un cinéma ?

A : Ce sera dans un cinéma. Je me demande si Mati Erdely, le réalisateur, sera là ou non.

R : Mati est-il déjà venu en Israël ?

A : Oui, quand il était un petit enfant. Ce serait intéressant en effet de savoir s’il viendrait ou non.

R : Concernant Daniel Erdely, je l’avais eu au téléphone il y a deux mois. J’ai employé des termes très gentils, je ne me souviens plus exactement lesquels.

A : C’est lui qui veut venir. Si je vais en Hongrie, je ne pense pas que j’irai le voir. J’irais sûrement voir Georges E., en revanche.

R : C’est dommage, car il était tellement gentil, comparé à Georges E.… Il dit d’ailleurs lui-même qu’il est devenu un monstre. Il m’a dit explicitement : « Je suis un monstre ».
C’est intéressant, dans ce café, les gens attendent qu’on les place… Ce café est devenu comme les cafés des Grands Boulevards de Paris. C’est devenu à présent la mode en Israël.

A : J’ai récemment appris que Michel Tournier est mort.

R : Oui, j’ai appris cela au cours de Daniel Epstein.

A : Est-ce qu’il a parlé de Tournier ?

R : Non, il a parlé de Tournier il y a quinze ans.

A : Avant, Tournier était très intéressant. Puis, il l’était de moins en moins.

R : Il a écrit un « Robinson ».

A : Comment s’appelle ce livre ?

R : « Robinson ».

A : Oui, c’est cela, il a écrit « Robinson ». Puis, il a écrit « le Roi des Aulnes ».

R : On se croirait presque au « Café de la Paix », ici. On est servis comme des rois.
Szuszi, la femme de Miki, n’était pas comme cela, auparavant. Daniel l’appréciait.

A : Il a probablement changé à cause de ce mariage de discordances. Ils s’aimaient, mais ne pouvaient rester ensemble.

R : Tu composes toujours pour ces cahiers ?

A : Oui. J’ai composé une série de sept morceaux pour quatuor à cordes, avec des orchestrations. A un moment donné, j’avais tenté l’innovation : une œuvre « a cappella », en hébreu, sur « le Cantique des Cantiques ». Si tu as chez toi la traduction en français, tu verras qu’il est écrit au cinquième chapitre, deuxième verset : « Je dors et mon cœur est éveillé ». Des termes sont employés tels que « la voix de mon amant », « ma colombe », « chevelure de nuit », « mon cœur se réveille », « ma belle bien-aimée »… Il est également écrit dans ce chapitre : « Mes cheveux sont remplis de rosée ».
C’est très poétique. Il s’agit d’un texte extatique.    
Puisque c’est si poétique, l’école la plus moderne d’interprétation du « Cantique des Cantiques » le définit comme des chants d’amour. La fille attend le garçon, le garçon vient. Quand elle sort, le garçon s’est enfui car des policiers sont intervenus.
Selon la Kabbale, il ne s’agit pas d’un homme et d’une femme, mais de D.ieu avec le peuple d’Israël.

R : Tu avais déjà une mélodie pour cela ?

A : Non. Il s’agit de quatre voix, soprano, alto, ténor, basse, elles-mêmes dédoublées à un certain moment.

R : Il y a quand même une mélodie ? La voix est-elle supportée par une mélodie ?

A : Très peu de mélodie. C’est beaucoup d’improvisations, de mouvements, d’imitations… C’est plus harmonique et polyphonique. Il y a des petites bribes de mélodie.

R : Combien de temps cela dure ?

A : C’est une question qu’il ne faut pas poser.
Le tempo est lent. Le morceau est constitué de quatorze mesures. Si cela dure une minute, c’est très bien. Entre temps, je cours toujours, je donne à imprimer à la femme de Victor, puis Victor me les remet imprimés. Je suis en train de recréer un circuit. Cela me rend heureux.
Ce matin encore, justement, je suis allé déposer des choses…
Je suis comme toi, je dépose des choses, sans savoir ce que cela deviendra et dans combien de temps… Car je n’ai plus de disques.
Hier, je suis allé à « Beth Ha Mifal » avec l’expert et Acher. L’agent d’accueil nous dit qu’il y aura du public. Ils nous ont convaincu que si Yaïr participe, ils nous donneraient quelque chose en novembre prochain, après les fêtes, sauf s’ils arrivent à obtenir une date auparavant.
C’était l’après-midi. J’avais déposé Acher. Puis j’ai cherché, sans exagérer, une heure. Je n’ai pas trouvé. Je l’avais mis dans un coin. Mais il y a beaucoup de monde. Aussi, il y a quatre étages. J’ai fini par le trouver. Je l’avais posé entre deux murs.

R : Sans parler de technologie, il y a tout un mystère autour de la voiture. A mon avis, tu as des anges à côté de toi pour te protéger. Car si tu n’avais pas d’anges, je ne sais pas où tu serais. Même les policiers ne t’approchent plus.
De la manière dont tu conduis, il y a longtemps que tu serais en prison. Depuis trente ans que je te vois conduire, je suis sûr que tu as des anges. Les anges doivent eux-mêmes être plus vigilants.
Tu conduis sans lunettes. De plus, tu n’entends pas. Tu conduis la radio allumée. Alors, si quelqu’un vient…

A : Mais je regarde devant moi.

R : Oui, en effet. Mais tu es au milieu de la route. Tu es prudent, mais tu es au milieu de la route.
C’est intéressant pour moi de savoir comment me protéger. Ce n’est pas une question d’oreille. Suis-je réellement protégé ? Est-ce que je commence à être protégé ?

A : Ton téléphone fonctionne-t-il ?

R : J’ai un problème : je n’ai plus de batterie. Il ne s’allume plus.


A : Je vais demander à quelqu’un de me prêter son téléphone. Je dois téléphoner à Etan Kirsch.