Roger et André à propos de A Deux Mains 21-01-16
R : C’est beaucoup plus grand
que le grand collage. Ce projet, à mon âge, me permet d’apprendre à entrer dans
le système institutionnel. Je continue, maintenant, à travailler avec mon
propre argent, cet argent qui provient de la perte de mon appartement, rue des
Prophètes.
Les conditions sont différentes.
J’ai débuté ce projet pour sortir de la dépression. Quelle était la nature de ma
dépression ? Une question m’obsédait : pourquoi peindre, et
qu’adviendra-t-il de toute mon œuvre plastique ?
Je n’ai pas d’enfants. Où va aller
cette œuvre ? Je n’ai pas non plus d’éditeur, ni de personne qui s’occupe de
leur promotion.
Mon projet, « Mère », est
tellement important, avec la pensée de vouloir réunir, et trouver une cohérence
dans tout ce que j’ai fait en peinture, musique, poésie. Je cherche que ce
projet soit suffisamment cohérent et clair, intelligible, pour qu’il vive de
lui-même.
Trouver des institutions extérieures
et des personnes privées, c’est une manière de protéger ce que j’ai fait et
laisser une « trace ».
Qui a protégé les œuvres de Hédi
Tarjàn ? Toi, moi et Catherine. Sinon, où auraient-elles été ? Je ne
pouvais les garder dans mon studio où elles auraient dormi jusqu’à mon propre
départ.
As-tu parlé récemment avec Georges
Erdely ?
A : Je n’ai écrit que d’aucune
manière, personne n’était invité chez moi, ni Georges, ni Dadou. C’est une
manipulation.
R : C’est ce que tu as écrit,
alors ?
Dany Erdely ne m’a pas téléphoné. Il
a fait en sorte que Georges me téléphone pour me dire cela. Je lui ai dit que
je ne comprenais pas, son français étant insuffisant.
A : Tout cela tourne autour du
film « le fils de Shaul » qu’a réalisé le fils de Daniel Erdely, et
donc le petit-fils de Miki Erdely.
J’ai reçu un appel téléphonique
aujourd’hui de l’Ambassade de Hongrie.
La secrétaire me dit que dimanche
après-midi, il y aura une projection…
R : Il faut aller le voir.
C’est un film magnifique.
Elle a dit qu’il serait projeté à
Tel-Aviv ? Georges E. m’avait dit que la projection aurait lieu à
Jérusalem.
A : Ce sera à Tel-Aviv,
dimanche après-midi. Je ne veux pas rater cela. Daniel aussi voulait le voir.
R : C’est sur invitation ou
dans un cinéma ?
A : Ce sera dans un cinéma. Je
me demande si Mati Erdely, le réalisateur, sera là ou non.
R : Mati est-il déjà venu en
Israël ?
A : Oui, quand il était un
petit enfant. Ce serait intéressant en effet de savoir s’il viendrait ou non.
R : Concernant Daniel Erdely,
je l’avais eu au téléphone il y a deux mois. J’ai employé des termes très
gentils, je ne me souviens plus exactement lesquels.
A : C’est lui qui veut venir.
Si je vais en Hongrie, je ne pense pas que j’irai le voir. J’irais sûrement
voir Georges E., en revanche.
R : C’est dommage, car il était
tellement gentil, comparé à Georges E.… Il dit d’ailleurs lui-même qu’il est
devenu un monstre. Il m’a dit explicitement : « Je suis un
monstre ».
C’est intéressant, dans ce café, les
gens attendent qu’on les place… Ce café est devenu comme les cafés des Grands
Boulevards de Paris. C’est devenu à présent la mode en Israël.
A : J’ai récemment appris que
Michel Tournier est mort.
R : Oui, j’ai appris cela au
cours de Daniel Epstein.
A : Est-ce qu’il a parlé de Tournier ?
R : Non, il a parlé de Tournier
il y a quinze ans.
A : Avant, Tournier était très
intéressant. Puis, il l’était de moins en moins.
R : Il a écrit un
« Robinson ».
A : Comment s’appelle ce
livre ?
R : « Robinson ».
A : Oui, c’est cela, il a écrit
« Robinson ». Puis, il a écrit « le Roi des Aulnes ».
R : On se croirait presque au
« Café de la Paix », ici. On est servis comme des rois.
Szuszi, la femme de Miki, n’était
pas comme cela, auparavant. Daniel l’appréciait.
A : Il a probablement changé à
cause de ce mariage de discordances. Ils s’aimaient, mais ne pouvaient rester
ensemble.
R : Tu composes toujours pour
ces cahiers ?
A : Oui. J’ai composé une série
de sept morceaux pour quatuor à cordes, avec des orchestrations. A un moment
donné, j’avais tenté l’innovation : une œuvre « a cappella », en
hébreu, sur « le Cantique des Cantiques ». Si tu as chez toi la
traduction en français, tu verras qu’il est écrit au cinquième chapitre,
deuxième verset : « Je dors et mon cœur est éveillé ». Des
termes sont employés tels que « la voix de mon amant », « ma
colombe », « chevelure de nuit », « mon cœur se
réveille », « ma belle bien-aimée »… Il est également écrit dans
ce chapitre : « Mes cheveux sont remplis de rosée ».
C’est très poétique. Il s’agit d’un
texte extatique.
Puisque c’est si poétique, l’école
la plus moderne d’interprétation du « Cantique des Cantiques » le
définit comme des chants d’amour. La fille attend le garçon, le garçon vient.
Quand elle sort, le garçon s’est enfui car des policiers sont intervenus.
Selon la Kabbale, il ne s’agit pas
d’un homme et d’une femme, mais de D.ieu avec le peuple d’Israël.
R : Tu avais déjà une mélodie
pour cela ?
A : Non. Il s’agit de quatre
voix, soprano, alto, ténor, basse, elles-mêmes dédoublées à un certain moment.
R : Il y a quand même une
mélodie ? La voix est-elle supportée par une mélodie ?
A : Très peu de mélodie. C’est
beaucoup d’improvisations, de mouvements, d’imitations… C’est plus harmonique
et polyphonique. Il y a des petites bribes de mélodie.
R : Combien de temps cela
dure ?
A : C’est une question qu’il ne
faut pas poser.
Le tempo est lent. Le morceau est
constitué de quatorze mesures. Si cela dure une minute, c’est très bien. Entre
temps, je cours toujours, je donne à imprimer à la femme de Victor, puis Victor
me les remet imprimés. Je suis en train de recréer un circuit. Cela me rend
heureux.
Ce matin encore, justement, je suis
allé déposer des choses…
Je suis comme toi, je dépose des
choses, sans savoir ce que cela deviendra et dans combien de temps… Car je n’ai
plus de disques.
Hier, je suis allé à « Beth Ha
Mifal » avec l’expert et Acher. L’agent d’accueil nous dit qu’il y aura du
public. Ils nous ont convaincu que si Yaïr participe, ils nous donneraient
quelque chose en novembre prochain, après les fêtes, sauf s’ils arrivent à
obtenir une date auparavant.
C’était l’après-midi. J’avais déposé
Acher. Puis j’ai cherché, sans exagérer, une heure. Je n’ai pas trouvé. Je
l’avais mis dans un coin. Mais il y a beaucoup de monde. Aussi, il y a quatre
étages. J’ai fini par le trouver. Je l’avais posé entre deux murs.
R : Sans parler de technologie,
il y a tout un mystère autour de la voiture. A mon avis, tu as des anges à côté
de toi pour te protéger. Car si tu n’avais pas d’anges, je ne sais pas où tu
serais. Même les policiers ne t’approchent plus.
De la manière dont tu conduis, il y
a longtemps que tu serais en prison. Depuis trente ans que je te vois conduire,
je suis sûr que tu as des anges. Les anges doivent eux-mêmes être plus
vigilants.
Tu conduis sans lunettes. De plus,
tu n’entends pas. Tu conduis la radio allumée. Alors, si quelqu’un vient…
A : Mais je regarde devant moi.
R : Oui, en effet. Mais tu es
au milieu de la route. Tu es prudent, mais tu es au milieu de la route.
C’est intéressant pour moi de savoir
comment me protéger. Ce n’est pas une question d’oreille. Suis-je réellement
protégé ? Est-ce que je commence à être protégé ?
A : Ton téléphone
fonctionne-t-il ?
R : J’ai un problème : je
n’ai plus de batterie. Il ne s’allume plus.
A : Je vais demander à
quelqu’un de me prêter son téléphone. Je dois téléphoner à Etan Kirsch.