Tuesday, July 11, 2017

Interview d'André par Itaï au studio Haoman 18 - 17/06/13 - 1

Ma langue maternelle est le hongrois.
Je possède des connaissances profondes de la langue hongroise. Pas de connaissances philosophiques ou autres, mais de la langue elle-même.
La connaissance des langues amène vers la connaissance d’autres domaines.
Le hongrois est très différent des langues occidentales, que je parle, du français également. De plus, le hongrois ne ressemble pas non plus à l’hébreu.
Il me manque deux choses : la connaissance de la littérature hongroise, bien que, par la suite, je me suis mis à lire des auteurs hongrois, ainsi que la connaissance de la phonétique. Je ne savais pas, par exemple, si le son « bi » est bilabial, ni ce qu’est un son guttural.
Je me suis intéressé principalement à la phonétique, mais pas à la sémantique, davantage au son, moins à la signification. Cela est lié à la musique, qui est mon métier. J’entends davantage la langue avec mon oreille musicale.
Cependant, il est impossible de ne s’intéresser au son sans s’intéresser à la signification. L’inverse n’est pas possible non plus.
Les langues sont toutes liées les unes aux autres. Par exemple, les onomatopées peuvent être trouvées dans les mots. Le verbe « piailler » fait imaginer le piaulement d’un oiseau. Les langues ont donc toutes des points communs.
Ce qui est intéressant avec le hongrois, c’est que soixante-dix pour cent des mots sont en lien avec l’affect, pas seulement avec la signification. On dit ce que l’on ressent. Cela réduit l’écart entre la sémantique et la phonétique.
Les différentes langues sont faites de façon à ce que quasiment aucun (chacun, personne) ne comprenne la langue de l’autre.
Chaque langue a son harmonie. Il y a les consonnes aigues, « a », « e », « i », « u », les consonnes graves, « o », « ou », « au ». On peut passer d’une voyelle à l’autre, mais elles sont toutes séparées les unes des autres.
A l’âge de vingt-quatre ans, j’ai quitté la Hongrie. Je me suis fait un « lavage de cerveau occidental ». Quand on parle français, on articule son visage d’une autre manière qu’en parlant hongrois. Je m’y suis fait. Je me suis éloigné du hongrois et rapproché du français. Je ne parlais hongrois qu’avec ma mère et Hedi Tarjàn.
Depuis le décès d’Hedi, il y a quatre ans, je ne parle quasiment plus hongrois. Cela ne me manque pas beaucoup.
Il y a un an, j’ai donné un concert. Un musicien hongrois était venu m’accompagner. Il a logé chez moi pendant une semaine. Un jour, il devait se rendre chez Roger. Il n’était pas véhiculé. Il était dehors, attendant le bus numéro cinq. Il a attendu une demi-heure sous le soleil. Il allait exploser d’impatience. D’un coup, il a pensé, afin d’optimiser son temps, à chanter un chant hongrois avec le son « e ». Le « e » hongrois est très différent, il se rapproche plutôt du « che ». Il s’est donc mis à chanter ce chant, qui comportait trente « e ». Cela sonnait agressif.
Le son « é » est céleste, lumineux. Le son « è » est plus lié à la force. Le « e » est assez différent.
Je me suis rendu compte que les plus belles chansons en français et en anglais, je n’arrive pas à les apprécier comme j’apprécie le hongrois. L’écriture hongroise m’intéresse moins que l’écriture française. Mais, pour ce qui est des chansons, j’apprécie moins les chansons en français.
Je voulais écrire des textes, sous la forme de chansons. Mais il ne s’agissait pas de chansons écrites parce que je ressens ou pense quelque chose, mais pour jouer avec les mots. Les phrases me sortaient toutes seules.
On ne peut pas passer d’une continuité de sons en « b » à des sons en « g ».
Celui qui parle une langue ne peut pas l’entendre comme quelqu’un qui ne la parle pas.
Pendant sept ans, je parlais très peu le hongrois, et soudainement, je décidai d’écrire en hongrois. Pourquoi des chansons ? Ce n’était pas pour me faire une psychothérapie. Je ressentais que mon cerveau m’ordonnait d’aller dans cette direction.
L’image que j’ai a de moi-même n’est pas celle d’un homme de quatre-vingt-un an, ni d’un professeur, ni d’un français, mais d’un hongrois. Pas le hongrois que je suis à présent, mais l’enfant hongrois que j’étais. Il s’agit de faire des recherches archéologiques dans mon cerveau. L’archéologie a donné des résultats très forts.
Pourquoi faut-il toujours mesurer le rythme ? Cela est lié aux mots. Cela permet de faire des jeux de mots.
J’ai lu que l’écriture d’une chanson provient de la pensée musicale.





Monday, July 10, 2017

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