Wednesday, May 03, 2017
Sunday, April 30, 2017
Microcosmos 02-04-17 3/3
INTRODUIRE
LE VERBE
Non pas comme
on le ferait dans les écoles de musique, qui sont restées sur une manière de
penser que le verbe était premier, mais suivre la voie naturelle qui est la
façon dont une mère apprend le langage à son enfant. Elle ne pense pas à la
grammaire ou à la syntaxe, mais seulement à vérifier la profondeur de la
communication avec son enfant.
J'ai
l'impression que ce rapport avec le langage est plus adapté si l'on veut accompagner
le néophyte sur le sentier de la créativité.
Il faut
chercher à transmettre que ce n'est pas dans la répétition stérile que l'on obtient
la créativité mais dans l'étonnement. Savoir bouleverser, émouvoir pour rester
dans la vie et jouer d'une manière vivante.
Mon idée fut de
déconstruire les morceaux d'André pour les présenter comme un cadeau et non
comme le résultat d'un travail.
Je me sens
comme un enfant devant ce lego que je construis, déconstruis puis reconstruis
dans l'attente qu'il me revienne comme un cadeau.
Parce que nous
sommes habitués à penser et agir avec intentionnalité, nous perdons les
rapports exacts entre la parole, la pensée et l'action.
Dans l'art,
nous ne cherchons pas la même finalité.
Prendre une
photo demande un cadrage, une vérification de la lumière et l'immobilité.
Pour un peintre
l'interprétation d'une forme ou d'une figure ne demande pas la ressemblance. Il
est important de séparer la pensée de l'acte artistique de celle d'un acte
utilitaire.
Il faut sentir
la différence entre les mots "perfection" ou "virtuosité".
La virtuosité
n'est pas un critère de liberté. Au lieu de virtuosité, il faudrait penser excellence
en cherchant à avoir de l'élégance dans le mouvement. Par ce moyen on obtient
un son qui se révèle et nous révèle.
Être élégant
c'est aussi savoir se décontracter.
Chercher
continuellement à améliorer son rapport avec l'instrument.
Microcosmos 02-04-17 - 2/3
LA
VIOLENCE
Quelques temps
avant son départ, André me parlait de la violence.
J'ai cherché à
comprendre vers quoi il voulait m'orienter.
Cette réflexion
m'a permis de ressentir ma propre violence qui peut se loger dans ma façon de
parler, de jouer, dans la précipitation de mon comportement.
Depuis mon
opération du cœur en 1999, je n'avais pas repris mes instruments, la guitare et
le « Zarb » (tambour iranien). Un ancien élève, revenu en Israël il y
a 1 an, m'y a encouragé.
Pendant de
longues années, en tant que guitariste classique, je me suis occupé des ongles
de ma main droite, ces ongles qui aident à jouer avec plus de précision en
glissant plus facilement sur les cordes que la pulpe des doigts.
Bien qu'il y
ait énormément de manières d'enlacer la guitare, selon les styles que l'on veut
jouer : flamenco, jazz, classique, avec bandoulière, debout ou assis, j'ai continué
avec celle que j'avais apprise : la position classique (assis avec un petit tabouret
sous le pied gauche).
Je me suis
aperçu, après quelques temps, que j'étais très contracté, mon corps me faisait
mal, et je jouais avec violence.
J'ai alors
concentré mon attention sur mon assise et la manière d'enlacer ma guitare. J'ai
porté une attention très rigoureuse à maîtriser mon corps pour qu'il ne me gêne
pas pendant que je joue.
Pour entrer
dans le cœur de la musique, je dois me concentrer sur le son que mes mains
produisent. Je me suis alors aperçu que le son me parle et m'indique les
endroits de mon corps qui sont contractés ou les muscles qui sont crispés.
Pour arriver à
avoir le plaisir de jouer, il faut travailler aussi à éliminer les angoisses et
la peur de faire des erreurs.
La nouveauté
devant les mouvements à effectuer, la lecture de la partition, toutes ces
choses nouvelles qui doivent se renouveler à chaque fois que je prends la
guitare, me contractaient. Le rapport avec un instrument de musique n'est pas
le même que celui qu'on peut avoir avec un objet usuel.
Pour comprendre
la nature de toutes ces crispations musculaire ou mentales, je passe beaucoup
de temps à écouter ou observer sur « YouTube » les autres guitaristes.
J'ai aussi
concentré mon attention sur le langage qui parle de la manière de jouer de la
guitare : le langage commun parle de "gratter la guitare".
Le grattage est
pour moi, une forme de violence.
On se gratte
pour diminuer la violence de la démangeaison. Dans ce cas on rajoutera de la
violence à la violence.
J'aime
actuellement employer le terme caresser plutôt que gratter.
La caresse ne
provoque pas la folie comme la démangeaison peut rendre furieux ou fou.
Mon idée est de
faire découvrir un espace de jeu avec la guitare qui soit lié directement à
quelque chose que nous avons reçu, telles que les caresses de notre maman. Cela
nous aidera à rentrer plus profondément dans le mystère de la musique.
« Microcosmos
pour Guitare » comprend 78 pièces.
Je jouerai pour
ce blog les pièces d'André, en essayant de tout mon cœur de les faire sentir
dans leur profondeur.
Pour arriver à
cela, je dois jour après jour, oublier que je les ai joué et enseigné pendant
des années. Je dois faire attention à ce que mon corps soit de plus en plus
pacifié avec mon instrument.
Je dois avoir
beaucoup de patience pour me maîtriser et refouler toutes les anciennes
habitudes acquises.
Dans l'avancée
de ce travail, je n'ai en vue que la musique et son essence, la vue pédagogique
et artistique.
Pour aider les
personnes qui vont regarder ce blog et vouloir apprendre à travers ces morceaux
à jouer de la guitare, j'essaie de marcher sur ce chemin lentement pas à pas.
Travailler avec
l'amateur de musique sur la présence, ici et maintenant, dans ce moment où nous
allons être ensemble.
Nous faire
prendre conscience de la réalité du mot "présent" pour nous aider à sortir
de nos fantasmes, reprendre inlassablement l'étude de ces morceaux sans tomber
dans la répétition stérile.
Même si je
demande de jouer sur une seule corde, il faut montrer comment tirer du son, la
vie. Lui transmettre le mouvement dès les premiers moments.
L'introduire
dans la magie que rester vivant, jouer avec la vie, c'est faire du mouvement
dans la durée.
La mort, c'est
rester figé.
Au début,
j'enregistrerai les dix premières pièces du livre d'André Hadju qu'il a écrit
uniquement pour la main droite, sur les cordes à vide.
A mon avis, ce
sont de petites merveilles mélodiques de sensibilité et d'intelligence. Je
reste ébloui de voir comment André a compris la guitare et écrit pour cet
instrument qu'il ne jouait pas.
Pour résoudre
le problème de la vision, en particulier celle de la lecture musicale, je pense
que ce blog aiderait à comprendre qu'il faut se concentrer sur les gestes et
l'écoute, de façon à ce que peu à peu on puisse chantonner la mélodie.
Je jouerai
aussi chaque note avec son nom, pour que les gens entendent ce nom et se
sentent plus libre quand ils verront apparaître la partition.
J'utiliserai
également un langage musical que je détaillerai sur le blog pour faire comprendre
le rythme.