Monday, August 22, 2016

conversation avec T.G. le 18-08-16 transcrite le 22-08-16

A ma dernière rencontre avec T.G., nous avions parlé sur la rédaction de ce « blog ». Elle me demanda à brûle pourpoint si je pouvais résumer en une phrase ma rencontre et mon amitié avec André Hajdu.

Elle me donna une feuille de papier blanche dans laquelle j’écrivis ces mots :

-        Par hasard, ou non, il y a dans une vie, une rencontre, celle d’un homme qui change une autre vie.

Une rencontre, où, parmi tant de chemins, la lumière de cet homme nous montre le sens.

Ainsi, la vie devient autre, Autre.

Après avoir lu cette phrase, elle me demanda si je pouvais écrire en vers, je continuai ainsi :

Suivant mon oreille
J’arrivai au cœur
Le son de l’autre
Moi – même

Je lui avais parlé d’une des pièces de musique qu’André avait écrite pour la guitare et que j’avais appelée au moment de l’apparition de ce livre : « Microcosmos pour guitare ». Il s’agissait de ce morceau : « rythme balkanique ». Elle me demanda si je pouvais écrire selon le rythme de ce morceau.
La forme de ce rythme, correspondant à huit pieds, étant :

3-3-2               Je suivais mon oreille, un son
3-2-3               M’attira, et ma – vie changea


Ensuite, elle me demanda d’écrire à la troisième personne, ce que je fis :

Il a vu un homme qui allait suivant son oreille et non, selon la perception de ses yeux.
Il a vu cet homme se transformer grâce à la rencontre d’un musicien.

André me répétait souvent que le temps « ne passe pas ».
J’ai essayé plusieurs fois de lui faire préciser cette pensée. Pour moi, j’ai l’impression que le temps passe trop vite.
L’absence d’André renforce cette impression.
Cette rencontre avec T.G. et sa demande de formuler une amitié de soixante ans en une seule phrase, m’a donné à réfléchir et à affirmer que, c’est sous le signe de la Musique que nous nous sommes connus, aimés.

Grâce à ce grand cadeau qu’il m’a fait « Microcosmos pour Guitare » et au monde des guitaristes, que je continue à l’accompagner dans son voyage.       

Sunday, August 21, 2016

souvenirs de ma relation avec André Hajdu 02-08-16 partie 1

Le deux août deux mil seize.

J’ai rencontré André en mil neuf cent cinquante sept. Il avait vingt cinq ans. J’avais alors seize ans.
Il est mort hier, le lundi premier août deux mil seize, à l’hôpital « Chaarei Tsedek », où il était entré en urgence le dimanche matin, le trente et un juillet, vers sept heures du matin. 
Depuis notre rencontre, nous avons toujours gardé un lien.
Une relation qui dure depuis soixante ans, restée vivante malgré le temps. Je peux dire jusqu’à ces derniers moments.

J’ai décidé d’écrire ces souvenirs, de faire appel à la mémoire pour décrire tout ce que j’ai reçu de lui afin de l’accompagner dans son voyage.
Je raconte à Jonathan S., sous forme de récits, qui m’écoute et transcrit, et nous retravaillons ensemble le texte.

La séparation avec un ami comme André est une grande douleur. C’est toute une partie de moi qui se sépare. Je ne veux pas employer les mots : « disparition », « perte », « fin », mais j’aimerais penser à une continuation, une transformation. Penser à comprendre en écrivant tous les moments que nous avons passés ensemble, et toutes les pensées q’ils me communiquaient.

A l’âge où André m’a connu, j’avais tout juste seize ans. J’étais en révolte complète envers mes parents et la société qui m’entourait à Oran, la ville où je suis né.

J’arrivais à Paris après avoir passé un an dans un internat à Strasbourg.

C’est mon amour pour la musique qui a permis le miracle de cette rencontre. C’est la musique qui maintenait et qui a maintenu notre relation jusqu’à son départ. La littérature est venue ensuite, et la religion est arrivée quelques années après.

J’étais seul à Paris. Je vivais dans une chambre en location à la Villette, métro Corentin Cariou, chez une vieille femme juive, rescapée de la Shoah.
Mon frère était arrivé à Paris, un peu avant moi, pour faire ses études. Il habitait au neuf, rue Guy Patin, dans une maison d’étudiants, réservée aux juifs de toutes les origines géographiques et culturelles : séfarades, ashkénazes. André a été hébergé dans cette maison d’étudiants.

J’allais rendre visite à mon frère, de temps en temps, pour briser ma solitude.

Me trouvant dans cette maison, qui avait quatre étages, j’ai entendu de la musique jouée au piano.
Je voulais être guitariste, j’étudiais dans ce sens. Depuis l’enfance, mon plus grand désir était de devenir musicien.
J’ai cherché à repérer, guidé par mon oreille, d’où provenait la musique de piano que j’entendais. Cette recherche m’a conduit dans les sous – sols du bâtiment. Après la salle à manger commune de cette maison, se trouvait une petite chambre. Je ne me souviens plus exactement si la porte était vitrée, s’il y avait un cadre rectangulaire avec une vitre, ou si c’était une porte pleine… Il me semble me souvenir qu’André jouait du Chopin, peut – être les Mazurcas.
Je me suis assis devant la porte, et, j’ai écouté, j’ai écouté… J’étais déjà dans un autre monde : le monde musical où André se trouvait. Soudain, le piano s’arrêta. André ouvrit la porte et me vit.
Il me dit : « rentre ». C’est ainsi que nous avons commencé notre amitié.

Peu à peu, après cette rencontre, André est devenu le seul ami présent pour moi. Je n’avais plus la patience et le même intérêt d’aller à la rencontre des personnes ou amis que j’avais connus. Je n’avais pas beaucoup d’amis à Paris, sauf un ami d’enfance, Daniel B., que j’avais connu en Algérie. Nous habitions la même maison, dix, rue Pélissier, à Oran. Daniel B. était arrivé à Paris après l’exode. C’était un exode, la fin de la guerre d’Algérie, en mil neuf cent soixante deux.

De plus en plus fréquemment, j’allais visiter André. J’avais appris la date de son anniversaire, j’ai couru pour lui acheter des partitions de Chopin. Il devenait pour moi une lumière vers tout ce que j’aspirais d’être.
Peut – on dire, un ami, un grand frère, un père spirituel, un maître, un exemple.
Il me parlait beaucoup. Il avait très vite appris le français. Etant doué pour les langues, il comprenait et parlait presque huit langues. Le hongrois, sa langue maternelle, la langue tzigane de Hongrie, qu’il avait apprise pour ses recherches ethnomusicologiques, l’anglais, appris à l’école, le français, appris après qu’il se soit exilé de son pays natal.

A suivre…