Interview d'André par Itaï au studio Haoman 18 - 17/06/13 - intervention de son flûtiste
Ami musicien flûtiste d’André :
Bonsoir.
Mon point de vue est lié au travail
musical d’André. Depuis quelques années, je participe à ses projets musicaux,
je parle beaucoup avec lui, et donc, je vois la progression des étapes. Je vais
expliquer quelques points à ce propos.
André ne me limite pas. Après que
j’aie fini de parler, nous continuerons avec une chanson d’André.
D’après la Kabbale, Moïse est appelé
« source de sagesse ». Il existe un livre qui parle de cela,
« Or ha dorot » (« la Lumière des Générations »). La lettre
« alef » est évoquée. Mais pas seulement la lettre elle-même, mais
comment elle fonctionne. Si l’on dit « alef », on commence avec un
« a », et on finit avec la fin du « a ». En effet, on ne
peut pas prononcer une lettre en hébreu si elle n’est pas ponctuée. Une lettre
non ponctuée est comme un corps sans âme. Un « alef » non ponctué n’a
pas de mouvement, et est donc vide. Le livre explique donc que si l’on prononce
un « alef », on en prononce deux, en vérité. Mais, si c’est le cas,
alors le premier « alef » est lui-même composé de deux
« alef ». Le premier « alef » ouvre le son. Il y a ensuite
le « alef » qui suit, puis celui de la suite amenant à la fin, ce qui
prouve que le deuxième « alef » est lui-même également composé de
deux « alef ». D’après cette logique, on arrive à huit
« alef ». Je ne me souviens pas exactement si l’auteur arrive à un
total de seize, mais, quoi qu’il en soit, ce sujet est principalement évoqué
dans le livre. Il n’évoque pas d’autre sujet. De quoi s’agit-il ?
Nous avons récemment discuté à
propos du cri du nouveau-né. Une voix sort, qui est sa première émanation. Un
bébé naît, et existe, non seulement de manière physique, en sortant de la matrice
de sa mère, mais également à travers sa voix, qui s’exprime par un long
« a ». Le livre en parle. On peut le lire explicitement.
Il évoque la paracha du chant de
Moïse à l’ouverture de la Mer des Joncs (« az yachir Moche »). Il est
écrit : « Ainsi chantera Moïse ce chant-là », au moment de
l’ouverture de la Mer des Joncs. Le peuple juif sortait d’Egypte, et voyait
tous les grands miracles qui se produisaient alors. Ils ont vu quelque chose
qui s’appelle « az » (alors, ainsi).
La lettre « alef », du mot
« az », est le même que celui que nous avons évoqué, ce même premier
cri. Une lumière blanche imperceptible. Une lumière solaire plus forte que le
Soleil lui-même. Une lumière incompréhensible. Comme le cri du nouveau-né. Un
long « a ». Une lumière infinie, incompréhensible.
La lettre « zaïn », du mot
« az », est un prisme. Le prisme est un verre diffusant la lumière en
sept directions. La première voix, le premier cri est incompréhensible,
transcendant, comme de l’air. Il sort directement sous la forme d’un
« a ». C’est infini, ce n’est pas significatif. Puis, intervient la
langue, après la gorge. Elle fait office d’écrans, de séparations, fermant
l’air, donnant une forme, des sons précis. Cela donne naissance à des formes
graphiques différentes. Les différents sons, « m », « t »,
« k »…sont des séparations.
Si l’on voit qu’il existe
différentes couleurs, comme l’on peut observer sur les peintures de Roger Ychaï
exposées dans ce studio de la rue Haoman 18, Haoman Haï, l’artiste vivant, devant
nous, on peut constater qu’il existe également différents sons. Peu importe
combien. Dans l’échelle des couleurs, le son « i » correspond au
blanc et au jaune, le son « é » correspond à la couleur orange. Les
couleurs les plus claires sont les couleurs jaune et orange. Ensuite vient le
« è », la couleur orange foncé. Le rouge correspond au
« a ». Le « o » est marron, le « ou » est
vert foncé. Je prononce les sons en descendant vers le plus profond :
« i », « é », « è », « a »,
« o », « ou ». J’arrive à la note la plus grave, la
tonalité de base, profonde, foncée.
A partir des consonnes et des
voyelles, on prend le « a » premier, puis on le joint à l’émotion.
C’est à cet endroit que commence le chant de Moïse. Il commence avec ce
« a » premier, profond pour lui, probablement lié à ses souvenirs d’enfance.
Il dévoile quelque chose de profond et de rare. Il arrive à exploiter de
nouveaux horizons. Mais il commence avec cet appel profond. Nous sommes invités
à écouter ses paroles.
Dans l’ordre classique de la
musique, en jouant d’un instrument à vent, qui est l’air, puis la voix, puis la
parole, il y a l’air qui précède, qui amène l’instrument de musique à sortir le
« a » premier. Puis, le musicien entrecoupe cela avec des mouvements
de sa bouche. Si l’on dessine des formes que l’on ne comprend pas toujours, que
cela soit par le rythme, ou par l’émotion, on arrive à un résultat que l’on
comprend, mais pas de manière philosophique. Comment se traduit une parole
première de manière trop philosophique ou conceptuelle ?
Je ne cherche pas à amener plusieurs
idées. L’idée essentielle est à travers les sons.
Aujourd’hui, nous pouvons tout
mesurer et définir. Qu’est-ce que le métal, qu’est-ce qu’un tapis, qu’est-ce
que l’organisme, qu’est-ce que du tissu, qu’est-ce que l’oxygène… Tout cela est
expliqué précisément par la chimie.
Mais avant que ne soit découvert ce
concept des molécules, quels étaient les outils qu’utilisaient les sages et les
intellectuels ? Il y a toujours eu des sages et des intellectuels, dans
toutes les générations. Mais qu’avaient-ils comme outil avant d’avoir affiné les
précisions que nous avons à notre époque ? Quelle est la différence entre
une fleur et un verre ? On peut répondre que l’un est naturel et l’autre
chimique, mais quelle est la différence essentielle ? Serait-ce que l’un
soit froid et l’autre chaud ?
L’idée suivante a été
développée : si je vous dis qu’en fait, tous les sons sont spécifiques
mais ont tous la même origine, le même « alef » premier, qui est la
lumière blanche originelle brisée par tous les éléments physiques, alors je
peux vous dire la même chose à propos de la matière. La matière est divisée en
plusieurs éléments. D’après la Kabbale, tout est précédé d’une lumière
première. Il faut donc qu’il existe également une matière première. Si une
matière première existe, alors je peux passer sans problème de l’argent à l’or.
Le livre « Lumière des
Générations » ne raconte pas n’importe quoi.
Nous ne travaillons pas dans le
domaine de la physique. Il ne s’agit pas d’une simple musique classique, qui
dit « oui » ou « non ». Il s’agit d’une source originelle,
qui nous intéresse, et sur laquelle nous nous appuyons, afin de comprendre que
partout, il y a une compréhension originelle, qui lie tout. Les éléments
acoustiques sont liés sans qu’il y ait forcément de la sémantique. C’est aussi
un cadeau donné à tous, qui perçoit selon sa voie.
J’ai fini. Merci beaucoup.
A : Je vous ai distribué des
textes. J’ai dessiné des schémas, ce qui me permettra d’être plus explicite, et
plus compréhensible. C’est en hongrois. J’ai tout traduit.
Nous allons commencer avec de la
musique. Le hongrois est la langue la plus rythmée que je connaisse. Celui qui
connaît Bartók sait de quoi je parle.
André lit le
texte en hongrois.
Tout le monde
applaudit, une fois la lecture finie.
Vous n’avez pas compris ce que je
viens de lire. Il y a une sorte de signification, mais tout va toujours d’après
le son. Le hongrois n’est pas comme les langues occidentales, ou bien même
comme l’hébreu, qui sont des langues d’idées. Beaucoup d’idées sont évoquées
dans la Bible. Mais il n’y a pas ce côté extérieur de la langue hongroise. Le
peuple hongrois existe depuis environ mille ans. Nous n’avons pas besoin
d’évoquer à présent ce qui peut être nouveau de la Hongrie. Il y a à chercher
son fondement.
A présent, nous allons faire quelque
chose de plus limitatif. Je vais lire un texte. Je vais commencer par le lire en
hébreu.
André lit les
textes en hébreu, puis en hongrois.