Wednesday, December 07, 2016

introduction correspondance 1958 avec André 07-12-2016

La nuit dernière, je me suis réveillé, mon sommeil ayant été interrompu par une vision de la manière très spéciale de la graphie d’André.

Quand il m’avait conseillé de retourner en Algérie en mil neuf cent cinquante-huit, nous avions beaucoup correspondu. J’ai décidé de publier cette correspondance, non pas seulement pour le contenu, mais pour la beauté de cette calligraphie.

Il a toujours écrit en « pâte de mouche », et les derniers temps, sa façon d’écrire les lettres et les notes de musique se faisait de plus en plus petite. Mais j’ai toujours admiré le déploiement de ses lettres.

Dans ma folie, j’ai conservé cette correspondance, et d’autres correspondances, mais dans mon horreur de la chronologie, je n’ai pas conservé les dates.



souvenirs de ma relation avec André 15-08-2016 partie 11

A partir du moment où la maladie de Hodgkin est arrivée dans son corps, ses forces ont diminué. Après la première chimiothérapie, il a continué à vouloir vivre malgré tout comme avant et continuer ses activités et son enseignement dans les endroits où il avait l’habitude de transmettre son savoir. Il a cessé son activité après sa deuxième chimiothérapie car ses forces étaient parties. Les dernières semaines, il devait rester alité souvent. Il avait de nombreuses visites, prenait la force de se lever pour les accueillir, mais au bout de dix minutes, il disait : « je suis fatigué », et revenait à son lit.

Je venais alors tous les jours le voir, j’admirais sa volonté de prendre sur ses forces pour accueillir les amis, les élèves. Une chanteuse qui venait lui montrer son travail et qui l’accueillait et conseillait. Un jeune élève qui apprenait la composition qui venait tous les jours. Un jour, venant au moment où son élève arrivait aussi, je lui ai dit que j’avais le temps et que je pouvais attendre qu’il finisse son cours, mais il a préféré être avec moi en me disant qu’il pouvait donner des exercices en attendant la fin de mes soins.




Monday, December 05, 2016

souvenirs de ma relation avec André 20-09-16 partie 2

Tout point de vue est faux.
Dans l'écriture de mes souvenirs,  j'essaie de rester proche de ma relation avec André et de cette réalité que j'ai vécu. Mais le temps fait son travail comme il le fait avec le travail du rêve.
Lorsque je tente d'écrire un rêve qui vient de me réveiller,  je m'aperçois que dès que la plume touche le papier le rêve s'est déjà transformé.
Mon point de vue peut être faux parce que le temps et l'écriture l'ont modifié.

Le choc ressenti en arrivant à l'hôpital ce lundi matin à la vue d' André entièrement recouvert m'a profondément troublé. J'avais imaginé le trouver en meilleur état grâce aux transfusions multiples qu'il avait reçu.
Ce choc affectif me laisse dans l'expectative de penser qu'il eut pu en être autrement s'il n'avait pas enlevé son masque.
Dans les 2 derniers jours, il n'a cessé de tenter d'arracher ce masque.

Comment doit on se comporter dans l'urgence ?
Une histoire m'obsède : Je suis sur le trottoir, en face je vois un enfant qui lâche la main de sa mère et se précipite sur la chaussée. Une voiture arrive. L'enfant ne voit pas la voiture. Que faire ? Crier ? Si je crie, ce cri va t'il arrêter le chauffeur ou à surprendre l'enfant ? Va t'il transformer la situation ?

Urgence ! Il faut choisir vite pour agir.
Je pense qu'Il faut crier parce que même si l'on ignore où le cri aboutira, l'action de crier ouvre une possibilité.  

L'urgence devant la chose inéluctable nous laisse des sentiments et des questionnements infinis sans possibilité de révision de l'acte passé.
Cela m'amène à me demander si j'ai assez fait pour André et si je n'aurai pas pu mieux interpréter ses gestes et son comportement quand il n'arrivait plus à parler. 

J'avais l'habitude lors de mes visites à son domicile de le trouver alité. Je  l'embrassais et lui demandais s'il souhaitait un massage.
Je savais qu'il attendait mes visites avec impatience et s'enquérait  toujours auprès de Ruth "Quand Roger va t'il arriver" ?
Il avait aussi l'habitude de me téléphoner pour me faire part de son attente.
Les dernières paroles d'André avant son grand voyage : FAIS TOUT CE QUE TU PEUX.
A ce moment précis,  je place ces mots uniquement dans le contexte de mon action de  massage.
Puis cette phrase a commencé à tourner dans ma tête. Le message d'André allait bien plus loin.
Je réfléchis sur le FAIRE, sur le TOUT, sur le POUVOIR.
Parlait-il du dépassement de soi, de la possibilité de dépasser ses propres limites, du pouvoir de l'espoir, de la lisière entre le possible et l'impossible ?

Pendant une de ses premières chimiothérapies, affaibli par tous ces médicaments qui transformaient son corps je l'ai aidé à revenir dans son lit. Là dans un moment que j'ai pris pour un accès de délire, il m'a dit : "je veux que tu vives" !
Ruth est arrivée, il a alors répété "je veux que Ruth vive et toi aussi" !

Devant ces paroles, l'instinct nous porte à trouver des justifications.
Nous détournons, par peur, la portée prophétique du message.
Les paroles entendues in vivo restent dans la mémoire et prennent corps et intelligibilité à partir de l'absence.
L'absence, la disparition,  le départ des êtres aimés nous amènent à d'autres réflexions existentielles. Nous commençons à voyager avec eux.

La volonté d'André de me voir vivre exprimait chez lui la peur que je me laisse sombrer à cause de son absence. Nous aurions eu 60 ans d'amitié.



  


souvenirs de ma relation avec André 20-09-16 partie 1

20/09

Penser la science et ses effets nous ont ôté le sourire.
La technologie et ses bienfaits, celui surtout de l'accès à la connaissance m'a permis de m'épanouir.
Le rire m'aide à mieux respirer et à mieux comprendre.

Depuis l'âge de 17 ans, André me parlait de l'âme.
Ce MOT est apparu souvent dans nos conversations. Son insistance à évoquer l'âme me mettait en tension car à  cette époque ce mot me semblait incompréhensible.
Je me donnais l'illusion de l'appréhender. Mais en réalité je ne savais pas vraiment ce qu'il voulait dire.

En réalisant que je ne comprenais pas ce mot, j'ai commencé à l'étudier grâce aux conférences que j'écoutais en cherchant sur le net.
De nouvelles associations sont apparues pour mieux décrypter ce mot.

La traduction du mot âme en hébreu et dans les sonorités de l'hébreu הנשמה l'âme et הנשימה la respiration
Cela veut-il dire que la vie va avec la respiration ?
Dans d'autres traditions nous retrouvons la même idée. Le Chi chinois nous enseigne aussi que le principe vital se retrouve dans la respiration et dans le ventre. Cette énergie qui vient du ventre, et bien les chercheurs ont découvert qu'il y a autant de neurones dans l'estomac que dans la tête.
L'estomac serait un 2e cerveau.

En anglais il y a aussi une distinction entre le mind et le soûl.
La respiration maintient le corps.
Comment l'âme fonctionne t'elle par rapport au corps ?
Comment arriver à partir de ces distinctions âme-corps-esprit à clarifier nos concepts ?
Qu'est-ce que l'esprit ? Je ne me souviens pas qu'André me parlait de l'esprit.  Non lui insistait et mettait toujours plus l'accent  sur l'âme.
Ces études m'ont aidé à sentir mon âme.

Jusqu'à présent ces questions m'inquiètent !
Dans la musique comment fonctionne l'âme quand un artiste joue et que son corps y participe ?
Soigner son âme ? Est-ce soigner son corps ?

Je repense encore à l'énorme responsabilité, une responsabilité qui venait du cœur, du sentiment de vouloir aider André dans ses difficultés face à la maladie.   
Je lui ai alors proposé des massages.
J'avais commencé à l'aider lors de sa première chimiothérapie et puis pendant quelques temps, le rapport tactile aêtre interrompu.

Au mois d'août,  il a reçu sa dernière chimiothérapie. Les médecins avaient jugé qu'il était guéri de ce cancer mais n'avaient pas détecté le virus qui l'a emporté en quelques jours.  André est mort d'une inflammation des bronches ne pouvant plus manger, boire, parler.

En le soignant j'avais constaté que son corps était très chaud sans penser qu'il avait de la fièvre.
J'ai interprété cette chaleur par le fait qu'il voulait toujours être couvert. Il avait froid même dans ces chaleurs du mois d'août.
Je n'avais pas fait le rapprochement entre la fièvre et la chaleur.
3 jours ont suffi pour que le virus gagne très rapidement du terrain.

Dimanche matin, Ruth a appelé les médecins qui l'ont dirigé au service des urgences. En téléphonant à Ruth, elle m'a raconté le déroulement de la nuit et le transfert d'André aux urgences.
J'ai immédiatement pris un taxi pour l'hôpital. Le chauffeur de taxi a été admirable, il n'a pas voulu déranger mon trouble. Nous avons échangé quelques paroles qui m'ont réconforté et en arrivant à l'hôpital il s'est excusé du temps perdu à cause des embouteillages.

En arrivant dans le service, j'ai trouvé André et Ruth étaient installés dans un petit box.
Le médecin est arrivé pour effectuer la pose d'un cathéter à la base du cou pour administrer les traitements, les infirmières n'ayant pu trouver de veine.
Ruth ne pouvait pas supporter d'assister à cette intervention. Elle a demandé à  ce que ce soit moi qui maintienne la tête de son mari.
J'ai tenu la tête d'André tout en lui parlant pour lui expliquer ce qu'on lui faisait.  Je le rassurais tout en lui promettant que l'opération serait bientôt terminée.
Nous avons dû attendre jusqu'à 14h pour qu'une place se libère dans le service de médecine générale faute de lit en oncologie.

J'ai rapidement vu sur son visage les effets de la réanimation. La couleur sombre de son visage s'estompait.
Il articulait des sons que l'on entendait pas.  S'apercevant qu'on ne le comprenait pas il agitait ses mains.  D.E.  et Yoni Niv étaient avec nous dans le box et essayaient de donner une interprétation aux gestes d'André 

Je suis revenu à l'hôpital ce dimanche soir vers 19.00 et j'ai proposé à Ruth d'aller se reposer. Je resterai à côté de lui la nuit. Elle m'a annoncé que ses enfants avaient engagé une dame qui le garderait jusqu'à 7h du matin.

Vers 8h, Shmoulik, un ami qui se considère comme son fils adoptif est venu et a proposé à Ruth d'aller prendre un café.
Dans ce moment de solitude, les machines ont commencé à sonner. Les réanimateurs sont venus.  Que s'est-il passé ? Je ne sais pas.
André était devenu très sensible aux bruits des machines qui le maintenaient en vie.
Il était sourd depuis quelques années et ne supportait pas du tout ses prothèses  auditives. J'ai même douté de sa surdité,  j'avais l'impression qu'il entendait ce qu'il voulait bien entendre
Son rapport à la technologie était étrange. Ce n'était pas un refus mais une manière de l'ignorer.
Il ne savait pas mettre ses appareils auditifs. Il n'avait jamais supporté le contact d'une alliance.....

Comment vivait-il ce rapport avec les prothèses et pourquoi ne supportait-il pas ces corps 
étrangers.